Émancipation


Tendance intersyndicale

CATHERINE, NOTRE INFATIGABLE MILITANTE, ON T’AIME !

CATHERINE, NOTRE INFATIGABLE MILITANTE, ON T’AIME !

Nous nous sommes tant inquiété.es, quand nous ne t’avons pas vue aux dernières manifs, toujours à gauche, comme tu te plaisais à le rappeler, ni à Lannemezan devant la prison de Georges Ibrahim Abdallah, quand tu n’es pas venue au denier comité de gestion  du local EDMP, et quand tu n’as pas pu me répondre lorsque je t’appelais du SNES pour connaître l’heure du rassemblement en mémoire du massacre d’état des militant.es algérien.nes le 17 octobre 61. Mais tu nous avais tellement habitué.es à dépasser toutes tes souffrances personnelles pour maintenir tes engagements collectifs et amicaux, que nous avons choisi l’espoir, jusqu’à ce que Patrick confirme que tu avais décidé d’arrêter les traitements. Déterminée jusqu’au bout, à choisir ta mort comme tu avais choisi ta vie.

Ta disparition soudaine nous a tou.tes attéré.es et laissé.es démuni.es, nous renvoyant par flashs des souvenirs d’histoires communes familières, mais cruellement inachevées… pour tes nombreux terrains de luttes, comme dans nos coeurs.

Rares sont les personnes qui auront concilié comme toi militance, affection et respect de l’autre, avec autant de constance et de générosité. Tu évitais de juger, de vexer, de te moquer (la seule personne dont tu te moquais, c’était toi, dans une autodérision rieuse). Tu ne polémiquais jamais inutilement (même s’il t’arrivait d’éclater quand tu considérais que les lignes rouges étaient franchies).

Au point que pour chaque collectif que tu avais choisi d’investir ou de créer tu étais des leurs, des nôtres  et en même temps, pour chaque camarade de lutte tu étais son amie, notre amie…

Ta rigueur et ton efficacité militante n’était plus à prouver, comme l’ont relevé les auteurs d’ouvrages sur les militant.es, qui t’ont distinguée, au grand étonnement de celles et ceux qui étaient dépité.es de ne pas s’y trouver. Dans ton agenda gonflé de tracts, de lettres et de programmes, tu arrivais à caser un emploi du temps serré, rythmé par nombre de rendez vous militants, comme le petit déjeuner collectif à la Mouff ou le marché du dimanche incontournables moments de débat et de diffusion, les premiers mercredis du mois à la Concorde pour Mumia, les réunions à l’EDMP, le MRAP, les projections, débats et fêtes dans « ton » cinéma la Clé, la table « de Catherine » aux spectacles de Jolie Môme, quand tu ne nous entrainais pas après des manifs, dans des expos, ou à la Comédie Française… Nous nous sommes toujours demandé comment  tu trouvais le temps pour te restaurer et te reposer… Et comme si ça ne suffisait pas, toujours curieuse, tu restais ouverte à de nouvelles dynamiques. Ainsi, tu as soutenu les Gilets jaunes dès le début et participé aux manifs, t’étonnant des réticences de certains de tes proches.

Mais dans ces programmes journaliers très chargés tu savais prendre du temps pour ce qui importait à  celles et ceux que tu aimais.  Tu aidais Patrick, ton compagnon, à la librairie du Point du jour. Tu n’oubliais jamais tes proches, les accueillant plus ou moins longuement chez toi, leur rendant régulièrement visite. Particulièrement celles et ceux en difficulté ou hospitalisé.es. Tu auras passé plus de temps à l’hôpital pour apporter du réconfort à celles et ceux qui t’étaient chèr.es, que pour t’occuper de ta santé, qui était pourtant loin d’être aussi vaillante que l’énergie que tu mettais dans tout. Le fait que tu souffrais énormément en marchant ainsi que ton amaigrissement et ta fatigue rapides passaient après l’urgence de l’action politique et syndicale..

Ta réserve, ta timidité, ta réticence à t’inscrire dans le formalisme des tours de parole, tempéraient à peine une radicalité et un engagement qui t’a toujours portée dès la fac, en 68, à Nanterre avec le  mouvement du 22 mars, le marxisme léninisme…. Anticapitaliste, anti-impérialiste, anticolonialiste et antiraciste, antifasciste, solidaire avec les sans papiers (notamment à Saint Bernard et sur le piquet de grève de Xantrailles dans le 13ème), les peuples opprimés, le Vietnam, la Palestine, les mouvements de libération en Amérique centrale et du Sud, tu as combattu aussi les répressions d’États, et l’enfermement carcéral, pour Mumia Abu Jamal, Georges Ibrahim Abdallah, des anciens militants d’Action directe et des Brigades rouges…

Enseignante d’anglais dans le 93, au collège Ronsard à Tremblay, établissement bien mobilisé avant ta retraite,  tu étais syndiquée au SNES et avais rejoint l’École Émancipée, puis après la scission l’Émancipation tendance intersyndicale ;  tu as participé à la vie syndicale et de la tendance à tous les niveaux. Tu as soutenu dès le début de ta carrière les luttes des Auxiliaires pour leur réemploi et la titularisation immédiate et sans conditions (c’est dans ces collectifs  de non titulaires et dans les congrès FEN 93 que nous avons appris à nous connaître) et tu t’es battue contre la répression dans les quartiers populaires et pour les droits des élèves. N’hésitant pas à tapisser tous les murs de ta salle de classe des cartes postales que tes élèves t’avaient envoyées. Autant de manifestations qui n’ont pas simplifié tes rapports avec la hiérarchie. Mais tes élèves t’aimaient, comme le grand jeune homme qui t’as serré dans les bras à Lille où nous étions pour un congrès national du SNES.

Tes orientations politiques et syndicales te classaient déjà dans les structures minoritaires, mais parmi ces orientations tu choisissais celles qui étaient parmi les plus difficiles et dans lesquelles peu de camarades s’investissaient. Et tu mettais tellement de cœur, d’énergie et de régularité dans chacune de ces luttes, de ces collectifs, que tu en devenais  bien souvent une activiste importante, quand tu ne les créais pas. Tout en conservant les modalités « traditionnelles » de mobilisation (manifs, diffusions de tracts, affichage, courriers postaux, contacts interindividuels …), dont tu vantais l’efficacité en reconnaissant qu’elles te prenaient beaucoup de temps.

Et puis tu savais si bien gagner les gens à tes batailles. Tu as ainsi pu organiser une rencontre internationale sur l’oppression des peuples à la bourse du travail de Bobigny, avec le soutien de la FEN 93. Quant à l’acquisition du local de l’EDMP, dont tu as été depuis le début animatrice puis gestionnaire, tu étais bien une des rares à croire tout au long de ces trois années de mobilisation pour cet achat à la possibilité d’y arriver. Tu rapportais à chaque réunion de nombreux chèques de soutien glanés dans ton entourage et dans les manifs et tu as organisé la soirée de soutien à la Belle Étoile qui a fait salle comble.

La multiplicité et la force de tes implications aurait pu te conduire à te « spécialiser » dans ces combats dont tu étais reconnue à la pointe. Mais, tout au long de ta vie, tu as remis en question et fait évoluer tes orientations militantes, n’hésitant pas à surprendre tes proches. Il en fut ainsi ta participation aux collectifs une École pour tous et Mamans toutes égales, avec Noëlle, Suzanne et Alice et aussi de ton rapprochement du NPA, dans le cadre des réunions de A2C, avec ton ami Alain (Pojolat), alors que depuis bien longtemps tu affichais plutôt une orientation plus éclectique. Tu as beaucoup œuvré à la vie du MRAP qui n’était pas la priorité de beaucoup de tes ami.es et tu y  as même accepté des responsabilités nationales non seulement parce que ton groupe 13ème/5ème était le plus important de Paris, si ce n’est de France,  mais aussi parce que tu étais amie avec Mouloud (Aounit). Là aussi, on le voit, l’amitié et la confiance ont souvent compté dans tes choix.

Avec parfois des situations cornéliennes. Tu étais présente, en 2000, au congrès du SNES de Strasbourg où la plupart des camarades de la LCR ont décidé, en rupture avec la position traditionnelle de l’École Émancipée et des mandats pour ce congrès, d’accepter des strapontins dans l’exécutif du SNES, faisant ainsi voler en éclat la tendance EE et des amitiés forgées dans les luttes communes. Je pense que cette scission a été très dure pour toi qui affirmais la nécessité des structures révolutionnaires organisées, et qui avait de très bon.nes ami.es des deux côtés. Et là aussi tu as fait entendre ta petite musique, intraitable pour assurer la sauvegarde de l’École Émancipée non LCR qui allait donner l’Émancipation (ton vaste carnet de contacts a été mis largement à contribution) et, en même temps, faisant tout pour maintenir les liens d’amitié que tu entretenais avec les scissionnistes, contrairement à la plupart d’entre nous, qui n’avons pas eu la même grandeur d’âme.

Tu vas nous manquer, comme tu vas manquer à la défense des droits humains, fortement attaqués actuellement. Mais les batailles qui te tenaient à cœur sont actuellement prises en charge par des collectifs structurés et plein d’ami.es vont continuer tes combats. Pour les reprendre totalement, il nous faudrait tou.tes prendre exemple sur toi pour la bienveillance systématique dans les échanges et la constance dans les orientations, les tâches militantes… jamais un mot au dessus de l’autre… positiver toujours… relativiser avec humour… Y a du boulot ! Mais souhaitons que ton souvenir nous aide à nous rappeler l’importance de telles pratiques.

Ton souvenir, tou.tes tes ami.es l’évoqueront le 17 Novembre de 14 h à 18 h, à la Belle Etoile, à la Plaine St Denis (métro front populaire)

Et aussi nous allons  préparer ensemble un deuxième hommage, plus tard, dans ce local de l’EDMP qui t’était si cher.


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