Émancipation


Tendance intersyndicale

« Grenelle des professeurs » : premiers documents ministériels

Le ministère a communiqué aux organisations syndicales un premier document sur le « Grenelle des enseignants ». Il s’agit une question majeure : pour Emancipation, le ministère veut – en « échange » d’une très modeste augmentation de la masse salariale – alourdir le temps de travail, attaquer les garanties statutaires et par ailleurs imposer une contre-réforme des retraites combattue par les personnels.

Pour informer les personnels, nous mettons donc en ligne le document ministériel

Par ailleurs, nous publions ci-dessous une dépêche AEF (Agence Education Formation) qui, au-delà d’analyses très discutables, donne des éléments d’information.

DÉCRYPTAGE Les négociations sur la revalorisation des enseignants reprennent. État des lieux et enjeux

Les discussions entre le ministère de l’Éducation nationale et les organisations syndicales sur la revalorisation de la rémunération des enseignants vont reprendre ce mercredi 16 septembre 2020. Reprendre, car elles avaient débuté en fin d’année 2019 avant d’être interrompues par la crise sanitaire. Lors de cette rentrée, Jean-Michel Blanquer a déjà annoncé une enveloppe de 400 millions d’euros au budget 2021 ainsi que le maintien de la dimension pluriannuelle de la revalorisation. Les négociations qui s’ouvrent vont porter sur le périmètre de cette revalorisation, son niveau voire ses contreparties. Quels sont les arguments des protagonistes ? Quelles sont les issues possibles ? AEF info analyse les différentes dimensions du « match » qui débute.

La clef de la négociation devrait être l’enveloppe que le gouvernement sera prêt à mettre sur la table pour revaloriser les enseignants.

C’est un match qu’ils s’apprêtent à mener, chacun patientant, pour le moment, sur sa chaise au bord du cours. D’un côté, le ministère de l’Éducation nationale, de l’autre, les syndicats enseignants. Et un arbitre, qui pourrait être « l’opinion publique ». Le coup d’envoi a été donné fin 2019, mais le match s’est trouvé interrompu par la pandémie de Covid-19. Il s’apprête à reprendre.

Ce match, c’est celui de la revalorisation de la rémunération des enseignants. Il a été engagé lorsque le gouvernement d’Édouard Philippe a lancé sa réforme des retraites (lire sur AEF info). Dès le printemps 2019, le Premier ministre d’alors reconnaissait que cette réforme engendrerait une perte de pension pour les enseignants, que devait alors compenser une augmentation de leurs revenus (lire sur AEF info).

En février 2020, après les premiers mois de discussions, des scénarios avaient été établis autour d’une enveloppe de 500 millions d’euros dans le budget 2021 (lire sur AEF info) et, en sus, un montant de plusieurs milliards d’euros qu’une loi de programmation devait acter, celle-ci devant alors s’étaler jusqu’en 2026 (lire sur AEF info).

La dimension pluriannuelle de la revalorisation maintenue

En pleine crise sanitaire, Jean-Michel Blanquer a continué d’assurer que cette revalorisation verrait bien le jour, malgré la suspension de la réforme des retraites et les dépenses publiques imprévues engendrées par la crise économique et l’épidémie. Et le ministre, lors de la rentrée scolaire, de placer l’évolution des ressources humaines – comprenant la revalorisation – comme le chantier prioritaire de la deuxième partie du quinquennat pour l’Éducation nationale (lire sur AEF info).

Jean-Michel Blanquer a ainsi confirmé l’enveloppe destinée à cette revalorisation dans le budget 2021, bien que réduite de 100 millions d’euros par rapport à l’annonce initiale (lire sur AEF info), ainsi que la reprise des discussions sur une évolution pluriannuelle. Celles-ci, qui reprennent à partir de ce mercredi 16 septembre 2020 (cf. encadré), doivent aboutir à l’annonce, en octobre, du périmètre précis de ces 400 millions d’euros de 2021 et à la réouverture, en novembre, des négociations sur la loi pluriannuelle. Et, ici, les échanges devraient être très disputés. En effet, ministère et syndicats n’ont pas la même vision de la revalorisation idéale.

La bataille des contreparties

D’un côté, le ministère souhaite qu’elle s’accompagne d’une évolution du métier d’enseignant. Avant la crise sanitaire, les discussions portaient ainsi sur les missions des enseignants, la gestion des parcours professionnels, la formation continue, les conditions de travail. En lançant, fin août, le « Grenelle des professeurs », Jean-Michel Blanquer a de nouveau évoqué le « métier ». Outre la « reconnaissance financière », ce « Grenelle » portera sur la « coopération », l’ »esprit d’équipe », l’ »ouverture » et la « modernisation ». Concrètement, la revalorisation – ou une partie – pourrait, par exemple, s’accompagner d’obligations de formation pendant les vacances scolaires ou d’incitation à la réalisation d’heures supplémentaires.

De l’autre côté, les syndicats – du Sgen-CFDT à FO en passant par le SE-Unsa – rejettent toute contrepartie à cette revalorisation. Le principal syndicat du second degré, le Snes-FSU, l’a répété lors de sa conférence de presse de rentrée : c’est une « ligne rouge » à ne pas franchir. Le Snalc, 3e syndicat dans le 2nd degré, s’est fendu d’un communiqué le 30 août 2020 indiquant « exigerune augmentation significative de la part fixe des traitements, et ce sans contreparties », « ne pas se contenterde miettes ou d’enveloppes d’heures supplémentaires », et « rejeter toute transformation du métier qui dégraderait encore les conditions de travail ».

Le ministère favori pour remporter le match ?

Dans ce contexte, c’est le ministère qui semble être le favori pour remporter le match. D’abord car il va s’agir d’une augmentation de salaire. Le MEN part ainsi avec l’avantage d’être celui qui veut améliorer la situation financière de ses agents, couplé à celui de tenir une promesse politique.

En outre, dans l’administration de l’Éducation nationale tout comme dans une partie de l’opinion publique, l’idée qu’une revalorisation ne peut s’entendre sans une évolution du métier est partagée. L’épisode, en sortie de confinement, du « prof bashing » a pu démontrer une nouvelle fois que, parmi la population, l’image des enseignants est parfois dégradée.

Puis, les contreparties que pourrait proposer le ministère à cette revalorisation – plus de souplesse dans le système, modernisation, formation continue… – ont des chances de trouver un écho favorable, notamment du côté des parents d’élèves. Il pourrait en être de même d’une éventuelle augmentation liée au mérite, qui a déjà été évoquée dans les discussions.

D’autant que, de manière surprenante, alors que les enquêtes, notamment de l’OCDE, démontrent que les enseignants français sont peu rémunérés par rapport à ceux de pays comparables (lire sur AEF info), un sondage (1) de juin dernier indiquait que 56 % des Français trouvaient qu’ils étaient « suffisamment payés ». L’unanimité nationale qui régnait au moment de revaloriser les personnels soignants pourrait avoir du mal à exister concernant les enseignants.

Ainsi, qui plus est dans le contexte de crise économique actuelle, les syndicats pourraient avoir du mal à faire entendre leurs revendications, et notamment leur refus d’une augmentation de salaire du fait de contreparties demandées.

Les syndicats ont des arguments

Pourtant, ce constat issu de la comparaison internationale donne des arguments aux syndicats enseignants dans leur négociation. Constat qui a pu être renforcé par le moment de « continuité pédagogique », qui a mis en lumière les manques des enseignants en matière de matériel professionnel, eux qui s’équipent généralement sur leurs deniers personnels. Jean-Michel Blanquer a d’ailleurs annoncé qu’une prime d’équipement devrait être versée début 2021 (lire sur AEF info), même si le fait qu’elle fasse partie des 400 M€ n’est pas exclu.

Les syndicats ne devraient pas non plus manquer de rappeler plusieurs états de fait, tels que le gel du point d’indice depuis plusieurs années qui nuit à leur pouvoir d’achat ; le temps de travail hebdomadaire enseignant qui, selon plusieurs enquêtes, approche les 43 heures ; le fait que les professeurs ne bénéficient pas d’un 13e mois ; ou encore qu’une revalorisation substantielle permettrait d’améliorer l’attractivité du métier (lire sur AEF info).

L’enveloppe, la clef du match

En tout état de cause, la clef de la négociation devrait être l’enveloppe que le gouvernement sera prêt à mettre sur la table pour revaloriser les enseignants.

Si les montants approchent ceux qui circulaient avant la crise – plus de 10 milliards d’euros, avec un système en « escalier » qui augmenterait chaque année -, l’agilité du gouvernement lors des négociations n’en serait que renforcée. En revanche, une enveloppe au format plus petit faciliterait le jeu des organisations syndicales, qui pourraient en outre utiliser la carte de la promesse non-tenue. Même si, dans ce cas, le gouvernement pourrait jouer celle de la crise économique qui l’oblige à limiter l’effort.

Par ailleurs, ces négociations s’ouvrant un peu moins de deux ans avant l’élection présidentielle, les enjeux politiques, au regard du vote enseignant notamment, auront sans doute leur place dans l’issue de ce chantier.

Le calendrier des discussions

Lors du CTMEN du 15 septembre 2020, le calendrier de l’agenda social a été dévoilé aux organisations syndicales. Il concerne quatre thématiques :

  • « pour plus de reconnaissance »

Il s’agit, selon les termes de l’agenda, de « revaloriser (en termes financier, missions, évolution des conditions de travail…) ». Plusieurs réunions sont programmées :
– en septembre, sur l’équipement informatique
– en octobre, sur la « revalorisation des rémunérations des enseignants et assimilés »
– de novembre à janvier, sur la programmation pluriannuelle.

Des groupes de travail sont également prévus concernant les directeurs d’école, les personnels de direction, les corps d’inspection, les AESH, la filière administrative, la filière santé, les conseillers formation continue et sur le bien-être au travail.

  • « pour plus d »ouverture » : il s’agit de travailler aux parcours professionnels, à la gestion de proximité, à l’égalité professionnelle femme/homme, à la formation initiale et continue
  • « pour plus de coopération » : il s’agit de travailler sur « l’encadrement », la « relation parents et professeurs » et les « collectifs pédagogiques »
  • « rénovation du dialogue social dans le cadre de la mise en œuvre de la loi de transformation de la fonction publique » : travail notamment sur les lignes directrices de gestion et la mobilité des agents.

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