Émancipation


Tendance intersyndicale

Un mois dans le monde

Monde arabe : le retour de la lutte des classes

En Irak, sur fond de massacre et de fragmentation du pays avec l’invasion occidentale, les principaux affrontements étaient dits ethniques ou religieux depuis des années. Pourtant déjà, lors des élections de 2018, une coalition comprenant les “sadristes” (un parti chiite des quartiers populaires) et le parti communiste était arrivée en tête devant les listes soutenues par l’Iran ou les États-Unis. Un technocrate, Adel Abdel-Mehdi était devenu Premier ministre. Depuis le 1er octobre, le pays connaît de très importantes manifestations contre les pénuries et la corruption. Le pétrole irakien coule à flot, mais la population n’en tire aucun bénéfice. Le Premier ministre a ordonné à son armée de tirer dans la foule. Le bilan provisoire est de plus de 100 mort·es et des milliers de blessé·es. Les Sadristes exigent la démission d’Abdel-Mehdi.

Au Liban, l’ancienne puissance coloniale française avait installé en 1943 un système confessionnel clientéliste qui a survécu à la guerre civile. Déjà en 2015-16, un important mouvement populaire s’était dressé contre l’absence de traitement et de solution pour les ordures du pays, ce qui a rendu certaines zones inhabitables. Cette fois, dans toutes les régions du pays, les Libanais·es sont descendu·es dans la rue par centaines de milliers. C’est la décision d’instaurer une taxe sur What’s App pour essayer de combler le déficit abyssal du budget de l’État qui a déclenché le mouvement. Ce qui est remarquable c’est que tous les grands partis, qui sont en coalition au pouvoir en se neutralisant les uns les autres, ont essayé en vain d’empêcher cette déferlante populaire. Les revendications sont simples : la fin de la corruption et du système politique confessionnel.

Rojava

L’insurrection syrienne de 2011 n’aura été que brièvement un affrontement entre le peuple et la dictature. Il y a eu pour sauver Assad l’intervention militaire de la Russie, de l’Iran et du Hezbollah. Il y a eu l’intervention massive des djihadistes financés et armés par les pays du Golfe. Parallèlement les troupes occidentales sont arrivées, officiellement pour combattre ces mêmes djihadistes, alors que ceux-ci sont armés par leurs alliés saoudiens. Il y a maintenant, sur fond de poker menteur, l’invasion turque du Rojava. Tout content d’avoir pu vendre des armes à la Turquie pourtant membre de l’OTAN, Poutine a donné son feu vert.

Aux abois dans son propre pays où il a perdu les élections municipales et où la crise économique est sévère, Erdogan (avec la bénédiction de Trump et l’aide d’Al Qaïda) exacerbe le nationalisme et le racisme contre les Kurdes. Son armée s’est déjà livrée à un véritable nettoyage ethnique à Afrin. La fuite de milliers de civil·es devant l’armée turque vise aussi à entraîner la fin d’une expérience sociale qui avait donné de nombreux espoirs. Les sacrifices des combattant·es du Rojava face aux djihadistes n’auront pas empêché le comportement honteux des dirigeants occidentaux qui ne soutenaient le Rojava que dans la mesure où les djihadistes étaient emprisonné·es sur place.

Les témoignages parlent d’exécutions sommaires et de viols commis par les troupes d’Erdogan. Et le dictateur Assad essaie de promouvoir son image en s’autoproclamant défenseur des Kurdes.

Chili

L’armée chilienne tirant sur les civil·es, violant ou faisant disparaître des opposant·es, cela rappelle 1973 et les longues années de la dictature de Pinochet. À l’heure où ces lignes sont écrites, les associations de droits de l’homme parlent de 42 mort·es. Malgré la répression, la population continue de descendre très massivement dans la rue. L’élément déclencheur, l’augmentation du prix des transports en commun, a vite été dépassé.

Les admirateurs du néo-libéralisme n’ont jamais cessé de s’extasier devant ce que Pinochet a construit : des retraites et une protection sociale entièrement livrées au privé, des universités très chères inaccessibles aux pauvres, un chômage limité par l’explosion de la précarité, une croissance et une inflation conformes aux souhaits du FMI. Avec en prime 1 % de la population qui détient le tiers des richesses. Le président Pinera, homme le plus riche du pays, représente totalement cette oligarchie héritière de Pinochet. C’est tout ce système, que la gauche chilienne n’a jamais voulu remettre en cause lors de ses longues années au pouvoir, que la rue veut détruire.

Équateur

Le président a beau avoir comme prénom Lenin et avoir été autrefois le vice-président de Rafael Correa, il est devenu un néolibéral décomplexé et a accepté la demande du FMI de supprimer les subventions sur le carburant et de licencier des milliers de fonctionnaires. Quand les peuples indigènes ont occupé Quito et bloqué les routes, il a envoyé l’armée qui a tiré et le gouvernement s’est retiré à Guayaquil.

Égypte

Ça n’a certes pas duré. Mais le peuple égyptien a osé défier le dictateur Sissi. Place Tahrir au Caire et à Suez, ils/elles ont crié par milliers pour la première fois depuis 2013 : “Sissi, va-t-en”. Ce n’est qu’un premier coup de semonce.

Algérie

Pour l’instant, le système tient : il continue d’emprisonner sans motif qui il veut, des corrompus d’un autre clan, mais surtout des opposant·es et des manifestant·es. Malgré toutes les tentatives pour masquer la réalité, le clan du général Gaïd Salah détient la totalité du pouvoir. Pour combien de temps ? Les seuls qui se présentent pour l’instant aux élections présidentielles de décembre sont des anciens ministres de Boutéflika, à la base sociale très réduite. Le nouvel “homme fort”a 79 ans. Pour les manifestant·es qui continuent à se rassembler chaque semaine, il est l’ultime rempart d’un système à abattre.

Tunisie

Depuis la révolution, la bourgeoisie néo-libérale et les Islamistes d’Ennahdha ont alterné au pouvoir. Sur fond d’abstention massive et de désenchantement, les partis traditionnels ont été laminés et un illustre inconnu, Kaïs Saïed, a été largement élu président, son “honnêteté” ayant été le principal facteur d’adhésion des électeurs et éléctrices. La gauche, émiettée comme partout, a quasi disparu. Il n’existe pas pour l’instant de projet politique pour changer un modèle économique qui n’offre aucun espoir à la grande majorité de la population.

Catalogne

Dix ans de prison pour avoir essayé d’organiser un référendum ! Quoi qu’on pense de l’indépendantisme catalan, il est évident que l’idéologie franquiste imprègne encore totalement la “justice” espagnole. Déterrer la momie de Franco ne suffit pas. Si les “socialistes” espagnols étaient intelligents, ils auraient profité de leur passage au pouvoir pour déclarer une amnistie et rétablir le statut de large autonomie de la Catalogne que la droite avait abrogé. Si…

Halle

L’attentat contre la synagogue de Halle en Allemagne a fait deux mort·es. Au passage, le restaurant turc voisin a été mitraillé. Le tueur imite ceux qui, de Christchurch à Pittsburgh, renouent partout dans le monde avec le terrorisme nazi des années 30. Le silence des dirigeants sionistes qui n’ont jamais cessé d’essayer de dédiaboliser l’extrême droite est assourdissant.

Pierre Stambul


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