Émancipation


Tendance intersyndicale

Un mois dans le monde

Assange

Dénoncer les turpitudes des maîtres de ce monde a un prix élevé et on ne devrait jamais se résigner à abandonner à leur sort ceux qui ont pris ce risque et qu’on nomme habituellement les “lanceurs d’alerte”. Julian Assange est le fondateur de Wikileaks. Pour l’abattre, on l’a accusé successivement d’agression sexuelle puis de viol en Suède. Assange savait que cette accusation avait pour but réel de l’extrader aux États-Unis. Malgré l’acharnement du Parquet, l’accusation de viol a été classée sans suite. Assange a vécu dans l’ambassade équatorienne à Londres de 2012 à 2019 avant d’être livré par le nouveau régime équatorien (celui qui envoie l’armée contre son peuple) à la police britannique. Assange souffre des séquelles de ce long enfermement et la Grande-Bretagne n’a rien d’autre à lui reprocher qu’un refus d’être extradé aux États-Unis. C’est pourtant ce qu’il risque avec de longues années d’enfermement si nous n’arrivons pas à le sortir de prison.

Algérie

Il y a eu officiellement 40 % de votant·es à l’élection présidentielle, probablement beaucoup moins en réalité. Pour éviter la farce d’un deuxième tour sans électeur/trices, l’armée a déclaré Abdelmadjid Tebboune élu au premier tour. Ce cacique qui a fidèlement servi Boutéflika jusqu’au bout aura fort à faire. Les manifestations monstres du vendredi continuent, signifiant clairement que cette “élection” ne change rien, le régime doit dégager. Le Général Gaïd Salah qui s’était entêté à organiser cette comédie n’en aura pas profité longtemps. Il est mort 10 jours après l’élection et l’armée a organisé pour lui des obsèques nationales, histoire de bien préciser où se trouve la réalité du pouvoir.

Grande-Bretagne

La longue crise du Brexit débouche sur le pire : l’élection avec une confortable majorité de Boris Johnson, une espèce de clone de Trump. Johnson aura réussi à épurer le parti conservateur de ses députés pro-européens et à convaincre le patronat britannique de se ranger derrière lui. La dure défaite de Jeremy Corbyn pose question. Certes ses hésitations sur la question européenne (“rester ou quitter”) ont brouillé ses propositions sociales. Toute une partie du Labour (les Blairistes) souhaitait cette défaite. Certain·es avaient déjà quitté le parti. Les allégations d’antisémitisme, venues d’Israël et relayées par le grand rabbin du pays mais aussi par bon nombre de médias ou d’organisations de gauche, ont fait très mal. Le même type de campagne est déjà à l’œuvre aux États-Unis contre Bernie Sanders (pourtant juif). Penser que les Palestinien·nes ont des droits devient un signe d’antisémitisme.

Mali

13 soldats français morts au Mali viennent nous rappeler que l’armée française intervient depuis sept ans au Sahel. Pas pour défendre la démocratie ou le pluralisme. Mais pour défendre Areva ou des régimes “amis”. La presse parle beaucoup moins des nombreux mort·es autochtones au Niger, au Burkina Faso, au Tchad. Cette intervention aggrave la désintégration de plusieurs pays du Sahel, désintégration aggravée par l’intervention occidentale en Libye. Des ethnies qui avaient toujours cohabité s’entretuent à l’image des Peuls et des Dogons, sous l’effet combiné des conséquences du changement climatique et de la disparition de l’État. L’opération Barkhane avait aussi pour but théorique de détacher la rébellion touareg de l’envie de pactiser avec Daesh. Là encore c’est loupé, le gouvernement malien, installé et protégé par la puissance coloniale s’oppose à toute forme d’autonomie des régions touaregs.

Liban

Le soulèvement populaire qui a débuté le 17 octobre se poursuit malgré la répression. L’économiste Georges Corm le résume ainsi : “Le mouvement de contestation est spontané et transcommunautaire. Il est dirigé contre la classe politique corrompue, constituée d’une alliance entre les fortunes des pétrodollars et les anciens chefs de milice de la guerre civile”. L’économie du pays est incroyablement inégalitaire. Le pays compte de nombreux milliardaires. Les 2 % les plus riches possèdent plus que les 60 % des plus pauvres. Plus du quart de la population est au chômage. Le système pyramidal de crédits illimités s’est écroulé. La banqueroute de l’État provoque une incapacité à assurer les services essentiels : électricité, transports, gestion des déchets… Les plus acharnés à défendre le système clanique confessionnel issu de la constitution de 1943 et à réprimer le mouvement populaire sont les partisans du Hezbollah. Très longtemps exclus du pouvoir, ils possèdent la dernière milice en état de combattre. Le nouveau Premier ministre Hassan Diab, sunnite (d’après la constitution) est réputé proche d’eux.

Arabie Saoudite

Au terme d’un procès à huis clos, cinq personnes ont été condamnées à mort pour l’assassinat atroce de Jamal Khashoggi et nul doute qu’elles seront exécutées au plus vite pour qu’elles ne puissent plus jamais parler. Non seulement ce régime barbare n’est pas sanctionné, mais il a pris la présidence du G20 avec un programme qui fait rêver : “réaliser les opportunités du XXIe siècle pour tous”.

Israël

On va revoter une troisième fois, en mars. Plus que jamais, Nétanyahou, empêtré dans ses affaires de pots-de-vin, s’accroche au pouvoir. Il a sans problème remporté les primaires de son parti, signe d’une adhésion quasi mystique de son camp à sa personne. Il continue de tout se permettre : expulser le représentant de Human Rights Watch, accuser la Procureure de la Cour Pénale Internationale d’antisémitisme puisqu’elle envisage (très éventuellement) d’inculper des Israéliens en ouvrant les nombreuses procédures en cours. Son fils menace même le Prince Charles qui a émis l’idée de visiter la Cisjordanie. En face, le criminel de guerre Ganz peaufine son image de “centriste” pour capter une nouvelle fois l’essentiel du vote contre Nétanyahou. L’armée qu’il a dirigée annonce qu’en 2020, il faut s’attendre à ce qu’elle intervienne dans des zones densément peuplées.

Trump et les Juif/ves

“Vous n’êtes pas gentils du tout, mais vous devez voter pour moi. Vous n’avez pas le choix. Vous ne voterez pas pour Pocahontas, je peux vous le dire. Vous ne voterez pas pour un impôt sur la fortune !”. “Les Juifs qui votent pour les démocrates manquent totalement de connaissance ou sont incroyablement déloyaux”. Ces déclarations de Trump reprennent de nombreux stéréotypes antisémites : les Juif/ves et l’argent, les Juif/ves déloyaux. Trump va plus loin en identifiant les Juif/ves à Israël. Il a publié un décret privant d’aide fédérale toute université qui collaborerait avec la Palestine. Il a bien le projet, incroyablement dangereux, de transformer les Juif/ves américain·nes en supplétifs de sa politique impériale. Il est donc urgent de soutenir le mouvement JVP (Jewish Voice for Peace = Une Voix Juive pour la Paix) qui dénonce à la fois le racisme aux États-Unis et l’apartheid en Israël. En France où l’amendement Maillard a été voté, les propos de Trump ne seraient pas déclarés antisémites puisque seuls le sont ceux qui mettent en doute la légitimité de l’État d’Israël.

Sardines

La victoire en Ombrie de la Ligue et de ses alliés en octobre dernier a réveillé la population. Cette petite province du centre de l’Italie était un bastion du Parti Communiste italien puis de la gauche depuis la Libération. Le mouvement des “sardines” est né à Bologne en novembre dernier. Il se veut antifasciste et indépendant des partis. Il a mis dans la rue des dizaines de milliers de personnes, qui considèrent que l’ascension de Roberto Salvini est résistible (comme aurait dit Brecht). Fin janvier, on votera en Émilie Romagne, la région de Bologne qui a toujours été historiquement rouge, et on aura un premier élément de réponse sur l’efficacité de ce mouvement.

Pierre Stambul


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