Émancipation


Tendance intersyndicale

Trump-Nétanyahou : l’arnaque du siècle

Avec ses méthodes de businessman, pour ne pas dire de gangster, Trump a un avantage : il ne fait pas semblant. Il rompt avec une longue période où l’existence d’un prétendu “processus de paix” a permis au rouleau compresseur colonial d’encercler et de dépecer la Palestine.

Oslo, la grande mystification

C’était il y a 27 ans : contrairement à ce que l’on a voulu faire croire, jamais les Israéliens n’ont promis à Oslo qu’il y aurait un État palestinien sur les 22 % de la Palestine historique conquis par l’armée israélienne en 1967. Jamais ils n’ont renoncé à l’annexion de Jérusalem-Est dont la surface a été décuplée. Jamais ils n’ont promis le moindre gel de la colonisation. Au contraire, pendant les 26 mois qui séparent la signature des accords de son assassinat, Rabin installe 60 000 nouveaux colons. Jamais, il n’a été question d’évacuer les territoires occupés. Au contraire, au lendemain du massacre de 29 Palestiniens à Hébron en 1994, Rabin a envoyé 2 000 soldats pour protéger les colons et ils sont toujours dans cette ville où l’apartheid est une réalité quotidienne.

En face, l’OLP a reconnu Israël sans même une mention dénonçant le nettoyage ethnique prémédité de 1948. Elle a changé sa charte. Elle a abandonné à leur sort les millions de réfugié·es palestinien·nes dispersé·es (rien n’a été signé à Oslo sur le droit au retour des réfugié·es) et les Palestinien·nes d’Israël, citoyen·nes de seconde zone. L’OLP qui représentait les Palestinien·nes dans leur diversité géographique et politique a été mise en veilleuse au profit d’une “Autorité Palestinienne” dont la principale tâche est que l’occupé·e assure la sécurité de l’occupant·e.

Les accords de Taba en 1995 ont parachevé ce “processus” : la Cisjordanie a été morcelée en trois zones A, B et C, la zone C étant, de fait, annexée par l‘occupant. Des textes aussi incroyables que le contrôle total des importations ou exportations par l’occupant·e ou le fait qu’un·e colon consomme huit fois plus d’eau qu’un·e Palestinien·ne ont été signés. Ça devait être provisoire, n’est-ce pas ?

Faire capituler les Palestinien·nes par la ruse

Pendant des années, la “communauté internationale” a multiplié les pressions pour faire capituler les Palestinien·nes sur leurs revendications essentielles qui n’ont pourtant rien d’extraordinaire : les Palestinien·nes demandent la liberté, l’égalité et la justice.

Chaque fois qu’Israël construit de nouvelles colonies ou bombarde Gaza, il ne faut rien dire : ce serait une atteinte au “processus de paix” ou à l’aspiration au Graal : “deux États vivant côte à côte”. Pour les dirigeant·es israélien·nes, c’est pain béni : les crimes de guerre, la torture légalisée, les arrestations d’enfants, le vol des terres, les tapis de bombes sur Gaza… tout est permis, il n’y aura pas de sanctions. Par contre, s’il y a un attentat contre l’occupant·e ou une roquette partant de Gaza, les Palestinien·nes sont immédiatement condamné·es comme “hostiles au processus de paix”. Les “négociations” ont pris des noms divers : Wye Plantation, Charm-el-Cheikh, le Quartet, Annapolis… autant de masques pour exiger des Palestinien·nes qu’ils/elles capitulent et acceptent de devenir les Amérindien·nes du Proche-Orient, enfermé·es dans leur réserve et privé·es de tout droit.

Dans l’odieux, la France s’est signalée. Officiellement, elle est pour deux États et pour les résolutions de l’ONU. Dans les faits, elle soutient inconditionnellement l’État d’Israël, se tait quand l’occupant·e commet les pires massacres et organise à l’ambassade de Tel-Aviv un bal de solidarité avec l’occupant·e en pleine tuerie de “Plomb Durci”. Le gouvernement français a fait du CRIF, relais propagandiste des dirigeant·es israélien·nes, son interlocuteur privilégié. Il essaie de criminaliser l’antisionisme et le mouvement BDS (Boycott, Désinvestissement, Sanctions) contre l’État d’Israël.

Faire capituler les Palestinien·nes par la force

Avec Trump, il n’est plus question de faire semblant. Il renverse la table et piétine le peu qui reste de droit international. Il transfère l’ambassade états-unienne à Jérusalem, reconnaît l’annexion du Golan et proclame la légalité des colonies. En bon homme d’affaires, il exige des Palestinien·nes une reddition. Son discours est celui d’un gangster : “Palestinien·nes, vous avez perdu, pourquoi résister ? On va transformer vos réserves en zones franches où nos capitalistes pourront faire de juteuses affaires. Vous êtes battus, acceptez, vous n’avez pas le choix”.

Trump pense que la période est favorable. Il a de solides alliés qui ont les mêmes méthodes et les mêmes “valeurs” que lui et qui, bien sûr, soutiennent inconditionnellement Israël.

Il y a Bolsonaro. Celui-ci est allé en visite officielle en Israël. Il a déclaré devant Yad Vashem (le mémorial du génocide nazi) : “les nazis étaient de gauche, n’est-ce pas ?”. Il n’a pas été démenti par ses hôtes.

Il y a Orban. Il a entrepris de réhabiliter le régime pro-nazi de l’Amiral Horthy, responsable avec l’occupant de l’extermination des Juif/ves hongrois·es. Orban a multiplié les déclarations antisémites, mais Nétanyahou l’a qualifié de grand ami.

Trump profite aussi de la situation du monde arabe. La dictature égyptienne participe activement au blocus de Gaza. Le roi d’Arabie Saoudite, dont l’armée participe à un véritable génocide au Yémen, fait pression sur les Palestinien·nes pour qu’ils/elles capitulent. Le camp “antiaméricain” est très affaibli et beaucoup de pays arabes ont pour préoccupation essentielle une attaque contre l’Iran.

Et puis, il y a l’Union Européenne dont la politique est un mélange de complicité et de lâcheté, pour ne pas dire de pure complicité.

En Israël

L’historien israélien Zeev Sternhell, pourtant sioniste, compare la fascisation (ce sont ses termes) à l’œuvre en Israël avec ce qui s’est déroulé dans l’Allemagne des années 30. Une idéologie raciste, militariste et suprématiste s’est imposée sans réel contrepoids. L’inégalité des individu·es selon leur origine réelle ou supposée est désormais inscrite dans la loi d’Israël qui se définit comme “l’État-nation du peuple juif”. Les tests ADN viennent d’être approuvés par la Cour Suprême comme preuve qu’on est juif ou juive. C’est un exemple terrible de la proximité avec un marqueur essentiel de l’idéologie nazie.

Le pouvoir est disputé entre deux criminels de guerre, Nétanyahou et Ganz, ce dernier ayant dirigé l’armée qui a tué 2 500 civil·es à Gaza en 2014. Les deux compères ont été invités par Trump et approuvent bien sûr son plan. Il existe bien une petite minorité courageuse anticolonialiste, mais elle ne représente pas une alternative de pouvoir.

Ce régime d’extrême droite et ses relais (comme le CRIF) s’acharnent à instrumentaliser et à récupérer l’antisémitisme et la mémoire du génocide nazi. Et les dirigeants occidentaux soutiennent cette odieuse manipulation.

Et pourtant

Dans un contexte extrêmement défavorable, pour l’instant le peuple palestinien plie, mais ne rompt pas. Gaza est une prison à ciel fermé où l’occupant·e expérimente comment on peut enfermer deux millions de personnes, les priver d’eau potable et d’électricité et tirer sur des civil·es comme à la fête foraine. En Cisjordanie, les Palestinien·nes sont confronté·es tous les jours à la violence des colons et de l’armée, au vol des terres et aux destructions de maisons.

Malgré cela, le peuple palestinien croit en l’avenir. Il persiste à tout faire pour scolariser les enfants, pour cultiver la terre, pour produire, pour ne pas être transformé en peuple d’assisté·es.

Entre Méditerranée et Jourdain, il y a 50 % de Juif/ves israélien·nes et 50 % de Palestinien·nes. Les un·es ont tout, les autres quasiment rien.

L’apartheid a duré des décennies en Afrique du Sud ou dans le Sud des États-Unis, mais il a fini par s’écrouler. Trump ne connaît que le fric et la violence. Parions que, face à une lutte anti-apartheid, il ne saura pas faire.

Pierre Stambul


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