Émancipation


Tendance intersyndicale

Un mois dans le monde

Allemagne

La Thuringe est un land rural de l’ex-Allemagne de l’Est. En 2014, Die Linke, dans lequel se retrouvent les ancien·nes communistes est-allemand·es, avait ravi la présidence du land à la CDU. Pour ces élections, Die Linke a encore progressé, mais les deux grands partis de gouvernement, CDU et SPD, se sont écroulés au profit de l’extrême droite de l’AFD qui obtient 23 % des voix. En Thuringe, celui qui dirige ce parti appartient à l’aile “identitaire” de l’AFD, qui n’hésite pas à se réclamer du IIIe Reich.

Stupeur le 5 février : une coalition composée de la CDU, de l’AFD et des “libéraux”, élit un président libéral. Celui-ci sera très vite forcé de démissionner, mais le “cordon sanitaire” qui interdisait toute alliance avec les néonazis est rompu. Tout indique que cette alliance se réalisera quand Angela Merckel aura quitté le pouvoir à Berlin.

Quelques jours plus tard, à Hanau, un néonazi assassinait neuf personnes, kurdes et Roms. Le discours xénophobe a libéré la violence des psychopathes. Dans les documents qu’il a laissés, l’assassin évoquait “le grand remplacement”. Le suprématisme blanc continue de tuer.

Italie

La prise de l’Émilie-Romagne par la “Ligue” aurait été un véritable séisme car cette région a toujours été rouge. L’échec de Salvini à ces élections régionales n’est que relatif. Le parti “5 étoiles”, qui est le plus gros parti de la coalition qui gouverne à Rome, s’écroule, et la droite gagne largement en Calabre.

Salvini ne change pas de registre. Il vient d’accuser les “femmes étrangères” de surcharger les urgences médicales en venant en Italie pour avorter !

Contre lui, se développe enfin la lutte idéologique. La ministre de l’intérieur Luciana Lamorgese (parti démocrate), a déclaré que la crise migratoire était une invention et elle a abrogé tous les décrets de Salvini, notamment celui qui criminalise celles et ceux qui sauvent des migrant·es ou celui qui interdit aux bateaux des ONG de débarquer avec les gens qu’ils ont sauvés.

Irlande

En rendant effective la sortie de son pays de l’Union Européenne, Boris Johnson se retrouve en difficulté pour maintenir “unie” l’entité “Grande-Bretagne et Irlande du Nord”. Déjà les nationalistes écossais qui ont remporté presque toutes les circonscriptions réclament un nouveau référendum sur l’indépendance de l’Écosse.

Les élections irlandaises du 8 février viennent de mettre en tête, pour la première fois depuis l’indépendance, le Sinn Fein. Certes, la question sociale a joué, le Sinn Fein étant le principal parti de gauche. Mais son succès est largement dû à sa revendication d’unité de l’Irlande. Cette nouvelle donne se ouble d’un affaiblissement démographique des Protestants de l’Irlande du Nord. L’utopie républicaine devient crédible.

Espagne

Le PSOE gouverne avec un équilibre fragile. Allié à Podemos, il a été contraint de prendre quelques mesures sociales : augmentation du salaire minimum et des retraites et gratuité de certaines autoroutes. Il avait absolument besoin au parlement des voix d’une partie des indépendantistes catalans. Il les a eues, au prix d’une négociation dont on ne connaît pas l’issue. La droite, éclatée, est unie sur un point : l’écrasement des indépendantistes, et sur ce programme, elle est probablement majoritaire dans l’opinion. La seule issue pour la gauche au pouvoir serait d’en finir avec la constitution qui a maintenu le roi et les institutions franquistes après 1975. Mais la gauche (PSOE et communistes) avait approuvé cette constitution à l’époque.

I have a dream

L’auteur de ces lignes n’est pas un électoraliste acharné. Il n’empêche : on ne peut qu’être admiratif sur ce que réalise Bernie Sanders. Au bout de quelques primaires, certes dans des petits États, il est nettement en tête des primaires démocrates. Bien sûr, on sait que l’establishment démocrate et Trump feront tout pour barrer la route à ce socialiste qui promet de “renverser la table” sur le plan intérieur comme dans la politique impérialiste. Pour l’instant, on rêve : et s’il allait au bout ?

Cameroun

Le dictateur Paul Biya a 87 ans et est au pouvoir depuis 1982. Ce prototype de la Françafrique ne se donne même plus la peine de rendre crédibles ses réélections. Alors bien sûr, l’État camerounais se désagrège. Dans le Nord musulman, les milices meurtrières de Boko Haram multiplient les incursions et les enlèvements. Dans l’Ouest anglophone, la population s’est insurgée. L’armée, entraînée et équipée par la France, est responsable d’une répression féroce. Dans le village de Ntumbo, des dizaines de villageois·es, en majorité des enfants, ont été massacré·es. “un accident malheureux”, plaide l’armée camerounaise. Encore du boulot pour l’armée française ?

Israël contre les Juif/ves

C’est le titre d’un livre formidable de Sylvain Cypel, ancien directeur de la rédaction du Courrier International. Il montre comment les méthodes de terreur utilisées contre la population palestinienne sont imitées dans le monde entier. Il évoque l’existence d’un Ku-Klux-Klan juif chez les colons. Le changement avec Trump et Nétanyahou, c’est qu’on ne fait plus semblant : le racisme et les appels au meurtre sont quotidiens et la société israélienne approuve. Des théoriciens israéliens expliquent que le sionisme n’a pas besoin de s’embarrasser des droits de l’homme. À force de flirter avec les théories suprématistes et d’être les amis des pires assassins, les dirigeants israéliens en viennent à singer certains aspects du nazisme, à l’image de ces tests ADN censés prouver la judéité ou la non-judéité. La terreur organisée contre les Palestinien·nes finit par atteindre la société juive israélienne où doutes et dissidence ne sont plus tolérés. Grand point d’optimisme de ce livre : si une majorité des Juifs et Juives israélien·nes et français·es acceptent sans problème cette dérive fascisante, ce n’est pas le cas aux États-Unis où cette politique est très largement remise en cause, y compris par des dirigeants communautaires. Vraiment un livre à lire.

Notre ami le roi

Autrefois, cela désignait Hassan II du Maroc. Aujourd’hui, c’est MBS d’Arabie Saoudite. Rien ne lui est refusé. Il a beau dissoudre ses opposants à l’acide ou affamer le peuple yéménite, il a droit à “nos” armements sophistiqués et à “nos” palais. En l’espace de quelques mois, ce pays aura obtenu l’organisation du “Paris-Dakar” et la présidence du G20.

Pierre Stambul


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