Émancipation


Tendance intersyndicale

Nathalie Lemel

Dossier

La bretonne, Nathalie Duval nait à Brest le 24 août 1826, sa langue maternelle est le breton, elle aime beaucoup lire. En 1845 elle se marie avec un artisan relieur Adolf Lemel, ce sera avec ce patronyme qu’elle restera connue. Le couple va s’installer à Quimper pour ouvrir une librairie et un atelier de reliure, ils ont deux enfants, puis trois.

El le s’insurge contre la prise de pouvoir par Napoléon III, et met en devanture le texte de Victor Hugo : Napoléon le petit. Déjà en difficulté, la boutique ferme, à l’hiver 61, la famille part alors à Paris où les attendent “mill micher, mill vizer”, mille métiers, mille misères.

Après le travail, elle va à des réunions, par exemple celles des “institutrices républicaines”, elle y rencontre Louise Michel, Courbet, Monet, Vallès. En août 1964, dans l’entreprise de reliure Despierres, elle anime un mouvement de grève : “aujourd’hui est le premier jour du reste de nos vies, nous réclamons l’égalité, la grève est notre école de lutte” qui dure trois semaines, elle y rencontre Eugène Varlin, relieur lui aussi, militant à l’association internationale des travailleurs, elle quitte son mari devenu alcoolique. Désormais, Eugène et Nathalie resteront très proches, créant un restaurant et une coopérative d’alimentation : la marmite, en octobre 1868, rue de Larrey où se tient une belle fête le 18 mars 1871, à la proclamation de la Commune, lieu d’organisation de l’Union des femmes de Paris qui édite différents textes, notamment le second manifeste du comité central de l’union des femmes. Elle y rencontre Élisabeth Dmitrieff. Mais le 21 mai 1871, “la guerre a remplacé le travail et nos projets” lui écrit Varlin avant de mourir ; en dépit du courage sacrificiel, notamment de femmes, dont Nathalie, (barricade des Batignolles, barricade de Pigalle, barricade de la place blanche), c’est le début de la Semaine sanglante. Elle veut mourir, mais est arrêtée, déportée sur l’île Ducos, en Nouvelle Calédonie où elle partagera le quotidien avec Louise Michel jusqu’au 20 juin 1879, “graciée” ! Revenue à Paris, elle travaille pour L’Intransigeant, qu’elle quitte, elle vit alors dans une immense pauvreté, après le décès de son fils et de sa petite fille. Elle suivra l’immense cortège au décès de Louise Michel le 22 janvier 1905, toujours habitée par ses aspirations de justice sociale, d’égalité, de liberté : “hommes et femmes, nous sommes tous responsables du destin de l’humanité”.

S’élevant contre la boucherie de 14-18 : “ce sont leur guerre, ce sont nos morts” ; avec Jean Allemane, elle participera au tournage du film d’Armand Guerra sur la Commune. Elle meurt à l’hospice, aveugle, en 1921 à Ivry. Trois personnes sont présentes à ses obsèques.

Discrète mais frondeuse, tenace et inventive, féministe révolutionnaire, un de ses amis dira : “sa nature si généreuse, son cœur chaud, enthousiaste, son intelligence claire et sagace : cette femme portait un amour de la vie, elle n’a jamais abdiqué, elle n’a rien écrit mais sa vie est là”.

Les sources qui ont permis l’écriture de cet article sont issues essentiellement de la magnifique bande dessinée de Roland Michon, scénariste, et Laëtitia Rouxel, dessin et couleur, parue en 2017, édition Locus solus : Des graines sous la neige.

Emmanuelle Lefevre


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