Émancipation


Tendance intersyndicale

Antisémitisme : confusion à tous les étages

Les manifestations du samedi contre le pass sanitaire sont légitimes, hétérogènes et ici ou là marquées par des tentatives d’infiltration de l’extrême-droite, avec parfois des relents ouvertement antisémites. D’un autre côté, le gouvernement, mais aussi parfois les forces politiques et syndicales qui refusent le pass sanitaire mais ne prennent aucune initiative concrète… mettent en exergue ces actes antisémites pour discréditer toutes les mobilisations. Pour y voir un peu plus clair, nous livrons ci-dessous l’analyse de Pierre Stambul. La position globale d’Emancipation est exprimée dans son communiqué du 29 juillet.

L’antisémitisme a été le dénominateur commun de toutes les idéologies d’extrême droite prônant l’inégalité, les discriminations et parfois l’appel au meurtre. Il n’a jamais disparu.
Quand la télé-poubelle Cnews donne la parole le 18 juin dernier à un général factieux, Delawarde, un des signataires de l’appel au coup d’État, et que celui-ci déclare tranquillement : « qui contrôle la meute médiatique dans le monde et en France ? Vous le savez bien… Vous savez qui sont ces gens. Qui ? La communauté que vous connaissez bien. », il s’agit clairement d’un des stéréotypes antisémites meurtriers classiques : « les Juifs dominent le monde ». Et quand l’ancienne secrétaire de Louis Aliot, Cassandre Fristot, défile avec une pancarte : « QUI ? » où elle aligne plein de noms juifs ou supposés juifs, aucun doute n’est permis.

Le pass sanitaire a été décrété par un gouvernement qui a multiplié les actes de complicité avec les laboratoires pharmaceutiques, la destruction des lits hospitaliers et les mensonges imbéciles (souvenons-nous qu’au début, les masques étaient inutiles). Il a multiplié les mesures « sécuritaires » et les atteintes aux libertés. Il n’a pas la légitimité de décréter de nouveaux interdits.
S’il est parfaitement normal de manifester contre le pass, il est impensable de le faire sans réagir à côté de pancartes racistes. Et de ce point de vue, si on n’arrive pas à faire disparaître ces pancartes, il faut quitter la manifestation.

Une première source de confusionnisme extrême, c’est que le pouvoir et certains médias ont tendance à crier à l’antisémitisme partout pour se dédouaner. Comparer le pass à l’étoile jaune ou faire le jeu de mot douteux « pass nazitaire » est particulièrement stupide. L’étoile jaune (que les Juifs/Juives résistant.es ont refusé de porter, ils/elles savaient que c’était l’antichambre de la déportation et de l’extermination) ou le régime nazi sont des horreurs qu’on ne doit euphémiser à aucun prix. Rien dans la situation actuelle ne peut être comparé aux années noires. On peut parler de déroute ou de pauvreté idéologiques dans ces comparaisons, l’antisémitisme n’en est pas le ressort.
Mais ceux qui portent ces pancartes stupides considèrent globalement que l’obligation de porter l’étoile jaune ou le nazisme constituent le symbole du « mal ». L’indigence idéologique fait que certaines pancartes peuvent conjuguer les deux aspects, la comparaison stupide et l’antisémitisme.
L’auteur de ces lignes a crié avec joie dans sa jeunesse « CRS=SS » sans penser euphémiser les SS. Et le grand intellectuel israélien Yeshayahou Leibowitz (1903-1994) a parlé de judéo-nazis pour s’opposer à la colonisation. Il avait pourtant vécu le nazisme dans sa chair. L’ancrage de la protestation dans le souvenir de l’horreur peut être pertinent.

Une autre source de confusion, c’est que le pouvoir, par ses actes et ses déclarations, pratique un racisme à peine déguisé contre les Noir.es, les Rroms, les Arabes, les Migrant.es, les Musulman.es (au point de décorer ceux qui ont tué Adama Traoré) tout en déclarant que contre les Juifs, c’est interdit. Bien sûr, une telle stratégie ne protège absolument pas les Juifs, elle les met (sciemment) en danger. Et elle crée une confusion terrible.
Assimiler l’antisionisme à l’antisémitisme, criminaliser le soutien à la Palestine procède de la même stratégie et aggrave les confusions.

Certains dans nos rangs considèrent qu’une pancarte « séparation du CRIF et de l’État » est antisémite, alors que le CRIF affiche partout les photos de son président (ancien du Bétar, un mouvement qui s’entrainait militairement dans l’Italie fasciste dans les années 30) aux côtés de Sarkozy, Fillon, Hollande ou Macron. Dénoncer le CRIF pour ce qu’il est, un relai de la politique coloniale israélienne auprès des pouvoirs en place, c’est être fidèle à la participation des Juifs dans le combat contre le racisme et pour l’émancipation.

Dans cette période d’extrême confusion, on doit savoir garder raison et savoir traquer les vrais racistes.

Pierre Stambul

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