Émancipation


Tendance intersyndicale

Conseil National de la FSU (octobre 2021) : contribution d’Emancipation

Ci-dessous et en pièce jointe, la contribution d’Emancipation à l’ouverture du CDFN de la FSU d’octobre 2021 : alors que le gouvernement ne met nullement en « pause » ses projets régressifs et que la pré-campagne électorale s’engage sur des bases très réactionnaires… l’urgence est de donner des perspectives de lutte aux travailleurs et aux travailleuses.

Ne compter que sur les mobilisations,
Soutenir les salarié.es et collectifs en lutte

Le début du mois d’octobre a été marqué par le passage de la réforme de l’assurance-chômage. Les modifications des modalités d’accès à l’assurance chômage, comme celles du mode de calcul du salaire journalier de référence sont une catastrophe pour des milliers de chômeur.es – 1,2 millions de chômeur.ses perdant.es dont pas moins de 400 000 qui verraient leurs allocations baisser en moyenne de 40%. N’oublions pas au passage que les gouvernements nous vendaient une meilleure protection sociale en échange d’une plus grande flexibilité avec la loi Travail.
Grande promesse du quinquennat de Macron au patronat, cette réforme, qui passerait de manière définitive dans une période de campagne électorale, est à articuler avec la réforme des retraites qui reste dans les cartons du gouvernement et contribuerait à précariser davantage la population. Alors que la période est à l’inflation et l’augmentation du prix du gaz, lutter contre cette réforme est une nécessité absolue. D’ailleurs, les lieux de culture occupés pendant le mouvement du printemps dernier ont repris pour certains des AG et, dans certaines villes, s’efforcent de continuer à créer des convergences. Les manifestations contre le « pass sanitaire » ont aussi vu émerger, dans plusieurs villes, des collectifs de travailleur.ses de bars, de la restauration, des bibliothèques, de soignant.es, qui luttent pour leurs conditions de travail, contre la précarité et s’efforcent de créer du lien avec les contre-réformes du gouvernement, et notamment celle de l’assurance-chômage. En effet, si la réforme étend de manière criminelle la précarité, l’application du « pass sanitaire », que le gouvernement entend prolonger après le 15 novembre, a entraîné quant à elle la suspension d’un grand nombre de travailleur.es, comme dans la santé où elles s’évaluent entre 20 000 et 30 000 soignant.es.
La casse sociale est générale, tout comme le sont les luttes locales, donc. La grève reconductible des travailleur.ses de Transdev, et les premières convergences avec d’autres secteurs du service public des transports, comme la RATP, la SNCF ou Keolis sont aussi représentatives de ces luttes, qui ne demandent qu’à être étendues !
La période est donc sans conteste à la lutte, pour conserver les acquis des travailleur.es et les étendre, pour se battre contre toute forme de répression des salarié.es en lutte. Les organisations syndicales ont tout leur rôle à jouer dans la période, mais restent bien en deçà des enjeux. Au-delà des réponses sur le terrain juridique, il est nécessaire de soutenir les cadres de luttes auto-organisés, et d’organiser la riposte avec un véritable plan de bataille. 

La situation sociale se marque ainsi par deux éléments centraux :
1) le gouvernement, loin de mettre en « pause » ses réformes, non seulement les maintient mais aussi en projette de nouvelles : c’est tout le sens des annonces de Macron le 12 juillet. Ainsi, aujourd’hui une nouvelle régression sur les retraites est par exemple dans le paysage : il est clairement de la responsabilité du mouvement syndical est de faire savoir qu’elle n’est ni amendable ni négociable, et de préparer les conditions d’une mobilisation d’ampleur en s’appuyant sur les secteurs les plus mobilisés… ce qui avait commencé à se faire le 05 décembre 2019 par exemple, du fait de la mise en place de nombreuses AG, posant la question d’une coordination nationale des AG.
2) un certain nombre de directions syndicales, dont celle de la FSU – Unité & Action comme EE – ont fait, concrètement et au-delà des effets de tribune plus ou moins radicaux, le pari de tenter de ressusciter une démarche d’alternance électorale et d’unité de la gauche au travers du collectif « Plus jamais ça » : celui-ci a toujours oscillé entre plateforme pour mener des luttes unitaires, et outil pour co-écrire un programme d’alternance électorale pour un.e candidat.e de gauche dans le cadre de discussions avec des organisations politiques. Cette possibilité s’éloignant, on voit bien maintenant l’impasse de cette orientation subordonnant la nécessité des luttes aux rythmes des échéances électorales. A ce titre, il est indispensable d’analyser l’échec de la mobilisation du 5 octobre, organisée une nouvelle fois comme une date sans lendemain et qui ne peut être le départ de quelque chose que si elle s’inscrit dans une mobilisation à long terme, fondée à partir d’AG sur les lieux de travail et interprofessionnelles, à tous les niveaux ainsi qu’à partir du soutien aux collectifs qui se mobilisent dans les villes pour fédérer les luttes et organiser l’indispensable contre attaque. 

Education
Dans l’éducation, la situation est aussi explosive et catastrophique. Dans plusieurs établissements de région parisienne mais aussi du Var, la rentrée a commencé par des mobilisations des personnels face à des conditions insupportables : des heures en moins dans les dotations horaires globales, des postes d’infirmier·es, d’AED, d’AESH non pourvus ont poussé les collègues à faire grève, à refuser de prendre leurs classes à la rentrée. Le lycée Paul Éluard à Saint-Denis, par manque de personnel, a même fermé sa cantine, qui permet à certain·es élèves d’avoir un seul vrai repas dans la journée. Comment faire fonctionner un lycée sans cantine, sans infirmier·e ? Comment accueillir les élèves en situation de handicap avec des AESH en nombre insuffisant et en charge de plusieurs élèves « grâce » aux PIAL ? Comment faire baisser les effectifs par classe avec des dotations horaires en constante diminution ?
Plus globalement en France, 1 800 postes du secondaire ont été supprimés cette année et 7 000 depuis le début du mandat de Macron. Dans de nombreuses académies, les contractuel·les proches de la CDIsation n’ont pas été renouvelé·es et de nouveaux ont été recruté·es, ou pas… Les organisations syndicales doivent exiger, a minima le réemploi de tous les personnels non-titulaires, mais aussi impulser et soutenir les luttes des personnels précaires, leur donner une visibilité.
Dans ce contexte, les contre-réformes Blanquer poursuivent leur destruction de l’école, du bac, de l’égalité… Le récent projet local d’évaluation finit de localiser l’enseignement en lycée et d’autonomiser les établissements. La loi Rhilac, adoptée en commission le 22 septembre, crée la fonction de directeur·trice d’école ayant autorité sur les enseignant·e et vise à abolir de fait le caractère collégial et démocratique du conseil des maître·sses.
En dépit de ces conditions de travail dégradées, la grève du 23 septembre a été un échec. La grève de 24h sur des revendications fourre-tout ne mobilise pas les personnels car elle ne permet pas de construire un rapport de force à la hauteur des attaques, au contraire des actions de grève reconductible sur des revendications précises portées par les assemblées générales locales, les plus actives et coordonnées entre elles.
Face à ces différents reculs, il faut cesser immédiatement d’en « négocier » les conditions et porter des revendications claires et fondées sur ce que demande la base : 
– retrait des réformes Blanquer,
– retrait de la loi Rilhac, de l’expérimentation de Marseille,
– retrait du projet local d’évaluation, en refusant les hiérarchies intermédiaires,
– retour à un bac national avec des épreuves terminales.

Combattre toutes les oppressions dans la rue

Combattre l’extrême droite 
Les mobilisations récentes ont aussi porté haut les revendications contre l’extrême-droite. Si les manifestations contre le « passe sanitaire » ont été et sont clairement protéiformes, il n’en reste pas moins qu’elles ont donné lieu dans de nombreuses villes à des clarifications des revendications et des luttes, parfois violentes, contre les groupes d’extrême droite. C’est dans la rue, aussi et surtout, que l’extrême droite doit se combattre et les organisations syndicales doivent prendre en charge la lutte contre le racisme, l’islamophobie et toutes les autres idées d’extrême droite partout où elles de développent. Laisser la rue à l’extrême droite, quand elle y est, c’est aussi renoncer à porter nos idées et revendications là où elles ont justement des chances d’être entendues, sans condamner, trop vite, un mouvement et les individus qui y prennent part. 
L’extrême-droite (RN comme Zemmour) est en situation d’avoir un succès électoral, et en tout cas voit ses idées polariser le débat politique dans le cadre de la pré-campagne présidentielle. Mais la lutte contre elle doit être concrète : en mettant sur le devant de la scène les questions sociales, écologiques et démocratiques (comme par exemple contribue à le faire l’appel pour un réseau « éco-syndicaliste », voir à la fin de cette contribution)… autrement dit, combattre la politique de ce gouvernement. Se borner à une lutte contre l’extrême-droite en prétendant voir le fascisme derrière des aides-soignantes manifestant le samedi, en se contentant de stages syndicaux entre convaincu.es… et au final en faisant comprendre plusieurs mois avant l’élection qu’il sera indispensable de voter Macron au second tour pour défendre la « démocratie » contre le « fascisme »… est au mieux contre-productif, mais probablement constitue un renoncement à lutter sur le terrain quotidien en lui disputant le monopole de la contestation intransigeante.

Féminisme
La question de la lutte contre les dominations systémiques, notamment le patriarcat, continue de se poser dans divers pays, et y compris parfois sous des formes inattendues. Ainsi, en France, le rapport Sauvé pointe du doigt une réalité massive : l’Eglise catholique, de tout temps liée aux oppressions et à la domination de classe, ouvertement structurée sur la base du patriarcat et de la domination masculine, est à l’origine de violences sexuelles massives. Son discrédit actuel, pleinement mérité et reflet de sa nature profonde et non pas de dérives individuelles, est le reflet d’une révolte de plus en plus forte contre ces dominations qui aujourd’hui sont de moins en moins tolérées.
La question de la date de la manifestation contre les violences faites aux femmes (traditionnellement le 25 novembre) a fait ré-émerger dans les milieux féministes la question de la démocratie dans le mouvement. Si le mouvement est protéiforme et divisé, la dynamique engagée ces dernières années, notamment à partir du mouvement « Me Too », doit faire réfléchir davantage à la construction d’un mouvement qui puisse prendre appui sur les collectifs auto-organisés et rendre possible une démocratie à tous les niveaux. Les organisations syndicales ont un rôle à jouer dans ce contexte, pour médiatiser, au plus tôt, la question de la grève féministe, à partir d’un travail de terrain autour des travailleur.ses, mais aussi pour soutenir l’auto-organisation partout où elle se développe. 

International
La pré-campagne présidentielle est le théâtre d’expressions alimentant les théories du conflit civilisationnel. De la campagne gouvernementale sur une interprétation dévoyée de la laïcité aux déclarations d’Eric Zemmour sur l’immigration, le nationalisme, le culturalisme voire le racisme, sont à l’honneur.
Les vociférations médiatiques de certaines personnalités ne doivent pas détourner notre attention des transcriptions institutionnelles de ces idées qui attaquent les personnes dans la vie réelle. Ces attaques ont  un impact bien plus grand que celui des groupuscules d’extrême droite à qui ce climat profite – de manière encore limitée.
Du refus d’accueillir les exilé.es d’Afghanistan au durcissement de la délivrance des VISA pour les personnes venant du Maghreb, en passant par l’autorisation du Conseil constitutionnel de dissolution du CCIF et de Barakacity ou l’arrestation à Montpellier de militants sans papiers se rendant au contre sommet de la Françafrique, des pans entiers de l’Etat participent actuellement à la transcription des idées nauséabondes dans la réalité à grande échelle.
La FSU doit reconnaître le renforcement du racisme d’Etat en pointant l’impérialisme français comme pilier de ce racisme : conflit civilisationnel pour justifier la projection des forces militaires françaises en Afghanistan, en Afrique… etc. Elle doit notamment demander l’abandon de la dissolution du CCIF et de BarakaCity, l’arrêt des interventions impérialistes de la France et l’accueil des exilé.es qui en subissent les conséquences.

Sur un autre plan, la FSU doit aussi s’engager pour la défense des militant.es du mouvement social exposé.es à la répression en dehors de la France en se préparant à participer aux campagnes de soutien, y compris matériellement. Emancipation attire, à l’occasion du CDFN, l’attention sur la persécution des militants sociaux en Argentine. Notamment sur la situation de Daniel Ruiz et de Sebastian Romero, syndicalistes respectivement emprisonné et en résidence surveillée pour avoir participé aux manifestations contre la réforme des retraites du gouvernement de Mauricio Macri en décembre 2017.  Le 18 octobre, une action est prévue à Buenos Aires pour l’acquittement de Daniel Ruiz et la libération immédiate de Sebastian Romero. La FSU pourrait à cette occasion relayer la campagne de la CSP-Conlutas et ses syndicats, mais aussi celle du réseau syndical international de solidarité et de lutte : 
– Pour l’acquittement de Daniel Ruiz et Cesar Arakaki lui aussi incriminé.
– Pour la sortie immédiate de Sebastian Romero !
– Se battre est un droit ! Non à la criminalisation des luttes.

Écologie
Les mobilisations écologiques, impulsées notamment par une jeunesse très consciente des catastrophes du capitalisme sur l’environnement, appellent à être développées largement. L’émergence d’un éco-syndicalisme devient, dans la période une nécessité pour porter haut les revendications environnementales et créer, partout, des résistances et ripostes à la hauteur des enjeux. C’est pourquoi Emancipation soumet, à l’occasion du CDFN, cet appel pour un réseau éco-syndicaliste, appelé à être signé largement (il l’est déjà par des syndicalistes CGT, Solidaires, FSU).

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