Émancipation


Tendance intersyndicale

Féminin/masculin

Notre camarade Joël Martine cherche depuis longtemps à comprendre les racines de la domination masculine telle qu’elle se manifeste dans le monde et la société d’aujourd’hui, pour mieux la combattre. Dans son dernier ouvrage, sous-titré “Le conflit des sexes de la nature à la culture” il propose une approche renouvelée en combinant des avancées de la recherche scientifique obtenues dans des champs très variés allant de la biologie à l’éthologie et aux sciences sociales. Partant des racines pour aller jusqu’aux branches, il aborde aussi les refondations actuelles du féminisme pour en explorer la puissance critique et créative. Nous publions ci-dessous sa présentation de l’ouvrage.

Cet ouvrage prend acte de deux refondations intellectuelles et politiques du féminisme, intervenues à la fin du XXe siècle, souvent mal comprises, parfois ignorées dans le champ intellectuel francophone :

L’espèce humaine n’a pas inventé la domination masculine : elle l’a transformée – certes sur des points décisifs. Des biologistes des pays de langue anglaise, surtout des primatologues, s’en sont avisé·es dans les années 1980. La comparaison entre les espèces animales est apparue comme indispensable pour comprendre les facteurs typiques de conflit et de coopération entre les sexes, leurs configurations variables dans les cultures humaines, la tendance lourde à la domination masculine, mais aussi le rôle actif des femelles, conduisant dans certaines espèces à la mise en échec de cette domination. Ainsi le point de vue féministe a fait irruption dans l’éthologie animale, dans la psychologie évolutionniste humaine et la sociobiologie, imposant une rupture avec les œillères machistes très présentes dans ces disciplines.

Ce livre s’efforce de présenter pédagogiquement les acquis théoriques de cette refondation, conduisant entre autres à renouveler l’analyse du patriarcat et la réflexion sur la faisabilité de voies alternatives.

Dans le même temps s’est affirmé l’écoféminisme. Ce n’est pas un hasard si les femmes sont très présentes dans les mouvements de défense de l’environnement au Sud et au Nord, et si l’écologie est portée à adopter un point de vue féministe. Ces femmes en action s’appuient sur le rôle qui leur est assigné socialement dans l’entretien de la vie humaine et de l’environnement, pour dénoncer la soi-disant rationalité économique et technocratique, déchiffrer l’imaginaire phallocratique qui anime cette civilisation, et penser une refondation pacifiée et solidaire du rapport entre société et nature. Cette pensée à la fois diverse et mondiale, dont Vandana Shiva est la théoricienne la plus connue, est parfois contestée comme “essentialiste”, mais ses apports sont néanmoins décisifs dans la situation actuelle de périls écologiques et de crise de la civilisation.

L’écoféminisme a convergé avec la réflexion sur le care apparue dans le féminisme nord-américain. Le care, compris comme une éthique de l’attention concrète à autrui, et s’élargissant au “prendre-soin” du monde vivant, n’est pas spécifiquement féminin. Mais assurément le mépris du care fait partie de la domination masculine : il est un motif typique de conflit sur les tâches parentales entre les mères et les mâles dans de nombreuses espèces animales. Or, on retrouve le mépris du care dans la surexploitation du vivant et l’idéal de domination de la nature qui caractérisent la civilisation capitaliste.

Il existe objectivement des liens profonds entre ces deux refondations, et c’est en suivant la trame de ces liens que ce livre explore la puissance critique et créative du féminisme.

Différentes entrées possibles

En fait il y a plusieurs livres dans ce livre : voir le sommaire détaillé sur le petit dossier de présentation de l’ouvrage : https://blogs.mediapart.fr/joel-martine/blog/140620/ repenser-la-domination-masculine-et-les-politiques-actuelles-du-feminisme-2

Il y a des chapitres sur la comparaison entre les différentes espèces de primates, d’oiseaux, etc. Vous y trouverez aussi une réflexion sur la genèse du patriarcat chez les humains et son fonctionnement comme système, actuellement plus ou moins désarticulé, mais capable de se recomposer à toute occasion. Je propose aussi une vue d’ensemble de la domination masculine et des résistances féminines dans le capitalisme, des pistes pour l’égalité dans le travail domestique, un regard sur les débats que suscite l’écoféminisme au Sud et au Nord. Il y a donc différentes entrées possibles dans ce livre, dont plusieurs parties peuvent même être lues séparément.

Enfin, et c’est sans doute le plus important, l’objectif politique de cette parution est de débloquer certains débats fondamentaux dans le féminisme en dépassant les sectarismes et, en cela, de contribuer à l’essor actuel des luttes féministes dans leur diversité.

Des féminismes complémentaires

Pour situer ce livre dans le champ des théories de la domination masculine, disons qu’il défend la thèse d’une complémentarité entre le féminisme dit “matérialiste”, d’inspiration marxiste (notamment Christine Delphy, ou encore Danièle Kergoat et d’autres sociologues du travail), et un courant universitaire et militant nord-américain dénommé “evolutionary feminism”, d’inspiration darwinienne (notamment Sarah Blaffer-Hrdy). Pour un exemple de cette complémentarité vous pouvez lire un court chapitre : La “madone” et la “salope”, quel est l’origine de ces stéréotypes ? – Le modelage des rôles féminins par les stratégies sexuelles des hommes dans le patriarcat. Ce chapitre est publié à part, en ligne sur le blog de Mediapart, et sur la page de travail “Féminisme et chantier” du site de l’association marseillaise Mille Bâbords : http://www.millebabords. org/spip.php?article28869

Quant à son positionnement politique, le livre présente une réflexion sur l’articulation entre l’héritage du féminisme de l’égalité, toujours très présent dans les luttes actuelles, et les chemins non moins actuels de l’écoféminisme : vous pouvez trouver sur Internet le dernier chapitre, intitulé L’écoféminisme et le care entre luttes sociales et refondations théoriques sur Les Possibles, revue en ligne du Conseil Scientifique d’ATTAC-France : https://france.attac.org/nos-publications/les-possibles/numero-14-ete-2017/debats/article /l-ecofeminisme- et-les-mobilisations-pour-l-environnement-dans-les-pays-du-sud

Cet ouvrage prend la suite de plusieurs publications

– “Pornographie, retournons la caméra !”, 30 pages, dans l’ouvrage collectif Pornographie : imaginaires et réalités, éd. Libres Cultures et Mouvement du Nid – Bouches-du-Rhône, 2018.

Pour une présentation dialoguée, voir :

https://revolutionfeministe.wordpress.com/2019/02/10/la-pornographie-revanche-sur-lemancipation-des-femmes/ : interview réalisée par Francine Sporenda.

Le Viol-Location, liberté sexuelle et prostitution, éd. L’Harmattan, 2013 : essai de clarification du débat sur la prostitution dans les mouvements féministes.

Enfantement, allaitement, féminisme, 2002, 15 p.,

http://www.millebabords.org/IMG/pdf/enfantement_allaitement_feminisme-2.pdf

Joël Martine

Féminin/masculin – Le conflit des sexes de la nature à la culture, Paris, Éditions Libre et Solidaire, juin 2020, 420 p., 24 €.

À commander à l’EDMP (8 impasse Crozatier, Paris 12, edmp@numericable.fr).


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