Émancipation


Tendance intersyndicale

Reprise en main de l’information et du contrôle du nucléaire

Fervent partisan du nucléaire, E. Macron a tenté la fusion forcée de l’IRSN et de l’ASN après une réunion du “Conseil de politique nucléaire” regroupant les chefs de l’armée, de la défense et sécurité nationale, du Commissariat à l’Énergie Atomique, des ministres-relais des lobbies du nucléaire, cette fusion aurait fait passer le nouvel “organisme de contrôle” sous le joug du Commissariat à l’Énergie Nucléaire (CEA) et de l’Armée, c’est à dire placé sous le contrôle et la loi du silence des exploitants du nucléaire.

Cette décision, reportée pour l’instant, cherche à diminuer les exigences en matière de sécurité afin d’accélérer la construction des centrales atomiques programmées par le gouvernement.

Toute cette affaire s’inscrit dans la droite ligne du déni démocratique concernant le nucléaire (militaire et civil depuis 1970), en général, et de la décision de construction de six nouveaux EPR2.

Mise sur la touche du “débat public”

Cette annonce est à mettre en parallèle avec la mise sur la touche par le CNDP (Commission nationale du débat public) du “débat public sur la construction de nouveaux réacteurs nucléaires, censé contribuer à la stratégie du pays” en raison des modifications dans l’organisation des débats, et de la décision de se retirer de deux organisations qui avaient accepté d’y participer, Sortir du nucléaire et Greenpeace.

Ce débat avait pourtant été “vendu” par la macronie comme la consultation des Français·es sur le sujet…

À mettre en parallèle, aussi, avec le vote le 24 janvier au Sénat de la “Loi d’accélération des procédures administratives d’autorisation de réacteur” qui vise à simplifier le développement des nouveaux réacteurs nucléaires EPR2. Ce texte supprime aussi l’objectif de réduction du nucléaire dans le “mix électrique”.

Et alors que le Parlement doit (devrait ?) encore se prononcer, au plus tôt cet été, sur la stratégie énergétique du pays…

L’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN)

L’IRSN a pour mission d’effectuer des recherches et des expertises sur les risques liés à la radioactivité.

C’est un établissement public créé en 2001 et héritier de la légitimité d’une lignée d’instituts, l’IRSN revendique “des valeurs d’indépendance, connaissance, proximité”, son “indépendance” s’exerce dans les limites de son statut, mais il est composé de 1 700 salarié·es (chercheur·es, chimistes, ingénieur·es…), il compte parmi ses missions le suivi quotidien du niveau de la radioactivité en France, mais aussi à l’étranger, et apporte son expertise à l’ASN.

Ces membres, scientifiques, sont assez attachés à leur “liberté” et font preuve en général d’un esprit d’indépendance…

L’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN)

L’ASN assure au nom de l’État : “le contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour protéger les travailleurs, les patients, le public et l’environnement des risques liés à l’utilisation de l’énergie nucléaire. Elle contribue à l’information des citoyens”.

L’ASN, est présentée comme un “organisme indépendant”, elle a été créée par la loi du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire.

Elle est chargée de contrôler les activités nucléaires civiles en France.

L’ASN n’a jamais été un “gendarme du nucléaire” comme le claironne faussement les médias mainstream. Longtemps aphone, voire légèrement (!) aveugle sur les dysfonctionnements des centrales, l’ASN a été obligée ces dernières années sous la pression des associations, des médias, et de l’opinion publique de prendre sa mission au sérieux et a émis un certain nombre d’alertes concernant les “incidents” qui surviennent dans nos centrales (normalement signalés par les responsables des centrales, ce qui n’est pas “toujours” le cas !) l’ASN a surtout été obligée de prendre parti dans la saga des cuves des EPR en construction et de leurs malfaçons.

En 2017, l’ASN a mis plus d’un an à s’alarmer officiellement des graves soucis de soudure rencontrés par EDF sur le chantier du réacteur de l’EPR de Flamanville, or elle avait connaissance du problème, depuis 2005.

En octobre 2017, l’ASN s’est prononcée sur le problème de la cuve de la centrale nucléaire de Flamanville, au terme d’une consultation du public qui a recueilli plus de 13 000 contributions, et surtout en fonction des justifications d’Areva NP en réponse aux éclaircissements qu’elle avait demandés.

Elle a notamment demandé à l’opérateur de changer le couvercle de la cuve d’ici 2024, mais a autorisé la pose de cette cuve dont le fond est défectueux, alors qu’elle parlait d’“anomalie sérieuse, voire très sérieuse”, d’“anomalies d’homogénéité”, de “zones de faible résistance mécanique intrinsèque”.

Or cette cuve doit recevoir le cœur du réacteur nucléaire !!

Dysfonctionnements des centrales en service

Il faudrait plusieurs tomes pour évoquer les dysfonctionnements des centrales en service, sans parler des dangers liés au choix du site de leur construction par exemple :

– dans une zone inondable, celle du Blayais en Gironde à deux doigts de la catastrophe lors de la tempête de 1999 qui l’a partiellement inondée, mettant, entre autre, en péril les circuits de refroidissement du cœur ;

– sur une zone de risques sismiques : dans la vallée du Rhône, en Provence, en Alsace…

– dans des zones de fort peuplement : Nogent/Seine en Île-de-France dont la population avoisine les 12 millions d’habitant·es, la vallée du Rhône…

Pour rappel, un séisme de magnitude 5,4 est intervenu le 11 novembre 2019 en vallée du Rhône, situé à environ 13 km de la centrale nucléaire de Cruas et 28,5 km de celle du Tricastin, provoquant des dysfonctionnements des systèmes électriques et du système de refroidissement.

Les malfaçons selon le CRIIRAD (1) (organisme indépendant composé de scientifiques) concernent pas moins de 10 réacteurs et portent sur deux anomalies, qui impliqueraient la perte simultanée du système électrique et du système de refroidissement : le même scénario catastrophe qu’à Fukushima.

Sans parler des graves dérives dans la construction des EPR de Flamanville, les silences, les impasses, les décisions non justifiées de l’ASN…

Avec plusieurs années de retard, l’ASN publie, en 2018, une fois les réparations effectuées… un “avis d’incident”, incidents qui avaient été détectés dès 2015 et 2016 et concernant les centrales de Chooz et de Civaux…

Mais ces complaisances de l’ASN ne sont pas suffisantes, il y a trop d’informations, de débats et pour la nucléocratie et son fervent partisan, il est indispensable d’empêcher toute opposition au développement du nucléaire, ce fusionnement, évité pour l’instant, visait bien à assurer une reprise en main et le bouclage de la communication.

Passer outre les recommandations des agences de “sécurité”

Mais ce n’est que partie remise, l’État est prêt à passer outre l’Assemblée nationale, dans ce domaine aussi, comme dans d’autres. Passer outre, de même, les recommandations des agences de “sécurité” comme l’indique le désaveu des recommandations de l’ANSES (agence de l’État qui s’occupe de sécurité sanitaire) par le ministre de l’agriculture.

Les experts de l’ANSES ont annoncé le 15 février dernier la suspension d’un herbicide utilisé en agriculture intensive, pour la plupart de ses usages, car contenant une substance active le S-Métolachlore, qui est classé comme “cancérogène suspecté”.

Or, selon les chiffres officiels, en 2021, plus de trois millions de Français·es ont reçu au robinet une eau non conforme, polluée par le S-Métolachlore,

Marc Fesneau, (reprenant les positions de la FNSEA) au sujet du S-Métolachlore, a demandé à l’ANSES de “réévaluer sa décision d’interdire le S-Métolachlore”. Bref d’autoriser les agriculteurs à continuer de l’utiliser.

L’ANSES a d’ailleurs récidivé, le 6 avril, en publiant une synthèse (2) sur sa campagne nationale mesurant “la présence de composés chimiques peu contrôlés ou recherchés dans les eaux destinées à la consommation humaine”, c’est à dire dans l’eau du robinet que nous buvons.

Parmi les informations révélées par l’ANSES, la présence élevée de résidus de chlorothalonil, un fongicide interdit depuis 2020 en France, mais longtemps utilisé dans les cultures de l’hexagone. Ce résidu a conduit à “des dépassements de la limite réglementaire de qualité…” ainsi que la présence du 1,4-dioxane, un solvant potentiellement cancérigène chez l’Homme.

On peut aussi se souvenir des néocotinoïdes, tueur des butineuses, interdit par l’Europe, et toujours autorisé en France fin 2022…

Bernard Foulon

(1) https://www.criirad.org/ ; le site de la coordination antinucléaire du Sud-est est bien documenté aussi http://coordination-antinucleaire-sudest.net/2012/index.php?/page/1

(2) https://www.anses.fr/fr/system/files/LABORATOIRE2022AST0255Ra.pdf


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