Émancipation


Tendance intersyndicale

Éditorial revue n°03 (novembre 2021)

Direction d’école – Retour vers le futur

La loi Rilhac portant sur la création de la fonction de directrice ou de directeur d’école a été adoptée par le Sénat en seconde lecture. Elle doit maintenant passer en Commission Mixte Paritaire avant d’être définitivement adoptée. Cette loi donne aux directeurs·trices une autorité “fonctionnelle” et une délégation de compétences de l’autorité académique.

Ce qui se joue c’est un clou de plus dans le cercueil de l’autonomie des enseignant·es du primaire et la fin du fonctionnement collectif institué depuis les lois Ferry. Alors que le fonctionnement actuel satisfait globalement l’ensemble des équipes enseignantes des écoles, il s’agit, malgré les dénégations ministérielles, de doter les écoles d’un chef d’établissement avec les prérogatives attenantes et de caporaliser le personnel. Ce n’est pas pour rien que les divers amendements précisant que le directeur·trice n’exerce pas d’autorité hiérarchique ont été rejetés. Le seul différend entre l’Assemblée nationale et le Sénat est sur les moyens attribués à la direction, à la charge de l’État ou des collectivités territoriales.

La délégation de compétences se veut large et floue (pour assurer “le bon fonctionnement de l’école et la réalisation des missions qui lui sont confiées”) et permet à l’autorité académique de retirer à tout moment la fonction, cherchant la docilité des personnels exerçant cette charge. La fusion des corps d’Inspection (IEN-IPR) laisse entrevoir la fin de la mission d’Inspecteur·trice de l’Éducation nationale comme supérieur administratif du corps enseignant du primaire : la direction d’école deviendrait un rouage docile directement sous l’autorité académique.

Cette loi est l’aboutissement du vieux projet de la création d’un chef d’établissement cher à la droite : tentative en 1987 avec le statut des “maîtres directeurs” par Monory, projet d’expérimentation d’Établissement Public d’Enseignement Primaire de 2004 par F. Fillon. Le projet est relancé par G. de Robien en 2006 (avec J.-M. Blanquer déjà à l’œuvre comme directeur de cabinet adjoint). La nouvelle tentative de 2011 échoue encore, malgré le ralliement d’une partie des organisations syndicales et le soutien actif de la Cour des Comptes depuis 2010. Le dramatique suicide de Christine Renon est l’occasion scélérate de relancer le projet… Tout cela s’accompagne du lancement par E. Macron d’une expérimentation sur Marseille quant au recrutement du personnel enseignant et de définition du projet d’école par la direction d’école. Le projet d’évaluation des établissements primaires (projets qui se mettent en place dans le secondaire) avec grilles d’auto-évaluation, audit, questionnaires de satisfaction parachève la fin de l’autonomie (relative) des écoles primaires.

Ce que demandent les enseignant·es, ce n’est pas une école avec un·e chef·fe d’établissement, ce sont des postes, du temps et des moyens pour assurer le fonctionnement collectif de l’école, fonctionnement qui donne satisfaction à l’ensemble des personnels (note DEPP : “Satisfaction professionnelle et bien-être des professeurs des écoles : résultats de l’enquête Talis 2018”), fonctionnement collectif qui est la pierre angulaire de l’école primaire.

Malgré les difficultés et l’approche des élections présidentielles la mobilisation de toutes et tous reste une priorité.

Philippe Levet


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