Émancipation


Tendance intersyndicale

Un mois dans le monde (octobre 2022)

Grande-Bretagne

Une inflation à plus de 12 %, des salaires qui ne suivent pas alors que les capitalistes font des profits exceptionnels, le pays connaît une vague de grèves depuis le début de l’été : chemins de fer, dockers, postiers, éboueurs, Amazon, le raffinage. Les syndicats suivent sans chercher autre chose qu’une administration bureaucratique des grèves.

Le parti travailliste, depuis qu’il a écarté Corbyn, est étranger à ce mouvement social qui n’apporte rien à son agenda.

Le parti conservateur a pris pour succéder à Boris Johnson une espèce de clone de Margaret Thatcher, Liz Truss. Elle croit en la lutte des classes et est prête à la mener pour le compte du patronat.

C’est le moment qu’a choisi la reine pour mourir. Les lecteurs et lectrices de la revue me pardonneront de ne pas verser dans la Queen mania. Cette reine dont les obsèques ont coûté 9 millions de livres, n’a pas été qu’une potiche possédant 2800 diamants dont le plus précieux (le Koh-i-Nor) vaut 400 millions d’euros. Elle avait le pouvoir de “gracier” des condamné·es. Elle a donc sur la conscience la pendaison de plusieurs indépendantistes chypriotes (dont un jeune de 17 ans) en 1958 et la mort de Bobby Sands et de ses camarades en mai 1981.

Suède

Le phénomène s’est déjà passé dans plusieurs pays d’Europe. Un parti est créé par des nostalgiques du IIIe Reich. Il obtient des succès certains mais n’a pas d’alliés. Alors il adoucit un petit peu son langage (sauf sur les immigré·es) et retire le discours anti Union Européenne. Du coup, il devient un partenaire de gouvernement “fréquentable”. C’est l’histoire des “Démocrates de Suède”, parti néonazi fondé en 1988. Avec plus de 20 % des voix, il est en tête du bloc de droite qui s’apprête à gouverner. Il y a plus de 10 % d’immigré·es en Suède, ils/elles vont souffrir. Prochaine étape, l’Italie dans quelques jours où l’héritière de Mussolini est donnée gagnante.

Grèce

Parvenue au pouvoir après le parcours suicidaire de Tsipras (vainqueur d’un référendum et capitulant aussitôt), la droite grecque renoue avec son histoire, elle qui a participé à l’extermination de la résistance après 1945 et qui a collaboré avec le régime des colonels. Le Premier ministre Mitsotakis a reconnu avoir fait écouter les téléphones de divers hommes politiques, personnalités publiques, journalistes… En même temps, la répression contre les milliers de migrant·es enfermé·es dans des camps s’intensifie.

Chili

L’ampleur du vote (rechazo) contre la nouvelle constitution (62 %) est une terrible désillusion. Quelques mois après la victoire de Boric contre l’extrême droite, on espérait que le Chili allait tourner la page de nombreuses années où le “pinochetisme” s’est maintenu sans Pinochet.

Qu’est-ce qui n’a pas marché ? Une sous-estimation du pouvoir des médias, ils étaient tous dans le camp du non. Ils ont distillé à grande échelle des fake news sur les dangers de cette constitution. Il y a eu sans doute une erreur de faire voter sur tous les thèmes à la fois. Probablement la plupart de ces thèmes étaient majoritaires séparément.

Enfin, Boric, depuis qu’il est au pouvoir a changé très peu de choses. Du coup, cette nouvelle constitution n’a pas été perçue comme une rupture. Par exemple, alors que le texte reconnaissait les droits du peuple autochtone (les Mapuches), la répression contre eux et elles n’a jamais cessé.

En attendant, l’université et la santé restent réservées aux plus riches et l’avortement reste interdit, sauf cas très rares.

Birmanie

L’armée, ça pue, ça tue, ça pollue. Et ça exécute. Quatre opposants ont été exécutés cet été dont un ancien député. Depuis le coup d’État, plus de 2000 personnes ont été tuées par les putschistes.

Israël/Palestine

À la veille d’un nième affrontement électoral entre deux tendances opposées de l’extrême droite en Israël, les sondages donnent froid dans le dos. Non seulement, ces sondages annoncent une explosion des partis fascistes alliés à Nétanyahou, mais leurs idées deviennent hégémoniques. 64 % des sondé·es se déclarent pour “l’expulsion des Palestiniens et des Juifs déloyaux”. Parallèlement, il ne reste que 11 % de la population sondée qui se considère “de gauche”.

Les révélations sur les crimes contre l’humanité, commis lors de la guerre de 1948 ou plus récemment, se multiplient. Cela n’a aucun effet. Des soldats ou des colons n’hésitent plus à se vanter d’avoir commis des meurtres.

Profondément, la majorité de la population pense que, de la même façon que les Européen·nes parti·es en Amérique du Nord ou en Australie ont définitivement vaincu les peuples autochtones, Israël ne risque rien.

Du coup, les attaques se multiplient sur tous les fronts. Les grandes villes palestiniennes subissent des incursions meurtrières quotidiennes. Le directeur du “Théâtre de la Liberté” de Jénine a été arrêté, la “détention administrative” de Salah Hamouri a été prolongée de trois mois, les soldats aident ouvertement les colons à agresser les paysan·nes ou les enfants.

En Palestine, l’Autorité Palestinienne ne se cache même plus : elle réprime les manifestations, emprisonne les opposant·es, empêche les journalistes de témoigner.

Et la France, un pays qui (comment en douter) défend les droits humains, invite en grande pompe l’état-major israélien avec le commandant en chef Aviv Kochavi (qui vit dans une colonie). Elle organise en secret une grande réunion sur l’antisémitisme (comprendre l’antisionisme) avec plusieurs ministres israéliens et l’ambassadrice d’Israël.

Théocraties patriarcales et meurtrières

Une étudiante saoudienne, Salma al-Chehab, a eu la mauvaise idée de rentrer passer ses vacances dans son pays. Elle a été condamnée à 34 ans pour des tweets féministes.

Masha Amini était une jeune iranienne de 22 ans. Arrêtée pour “port de vêtements inappropriés”, elle n’a pas survécu aux coups qu’elle a reçus. La police des mœurs nie, bien sûr, toute responsabilité.

Fait nouveau, cet assassinat a entraîné une vague de manifestations durement réprimées.

Pierre Stambul


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