Émancipation


Tendance intersyndicale

Le numérique responsable en débat

Les 30 et 31 mars, le groupe départemental Émancipation du 17 avait préparé un stage intersyndical, ouvert à toutes et tous sur le thème de l’écologie, axé sur la construction d’un appareil critique quant aux injonctions institutionnelles, articulé avec des propositions pédagogiques.

Ce stage se déroulait quelques jours après la grande manifestation à Sainte-Soline contre les mégabassines. Nous étions nombreux et nombreuses à y avoir participé.

Rappel : autour d’un immense trou creusé au profit de quelques agro-industriels, cet espace a été littéralement transformé en un champ de tirs pour l’opération militaire et médiatique préparée depuis des mois par le ministre de l’Intérieur. Un piège pour le “peuple de l’eau” permettant ensuite à Darmanin de menacer de dissolution le collectif Les soulèvements de la terre, de menacer la LDH, permettant même à l’IGPN d’oser invoquer la “légitime défense” pour des militaires nous tirant dessus de leurs quads, et cela quand leurs armes de guerre ont fait des centaines de blessés·es parmi les manifestant·es et que S. est dans le coma…

Après ce traumatisme, ces deux journées, ce temps collectif de rencontres et de formation fut donc particulièrement essentiel.

Mais ici, je souhaite faire part, de manière personnelle, de l’intervention Pour un numérique responsable, de Vincent Courboulay, professeur à l’université de la Rochelle.

Il part du constat factuel d’un monde “en fin de cycle” : l’espérance de vie en bonne santé décroît pendant que l’on produit chacun·e (inégalement évidemment) dix tonnes par an de gaz à effet de serre quand la terre peut en “absorber” à peine deux.

La nouvelle injonction

Le développement durable, est désormais partout, dans un monde où 5 milliards d’humains sont connectés, 230 milliards de mails s’échangent quotidiennement, sous l’influence des “nouveaux dieux” que sont les GAFAM.

Mais quels sont les enjeux pour demain ?

* L’épuisement des ressources : 2800 smartphones sont vendus chaque minute dans le monde. 200 grammes requérant plus de 100 matériaux, soit 250 kg de matières premières et près d’une tonne d’eau. Cela produit 4 % des gaz à effet de serre.

* L’impact social : 40 000 enfants travaillent au Congo à extraire, notamment, du cobalt indispensable pour que les batteries ne s’enflamment pas. En France, 10 000 salarié·es travaillent dans ce secteur ; à Taïwan une seule usine fait travailler, sans droits, 100 000 personnes. Au Ghana, devenu l’une des poubelles des déchets du numérique, l’espérance de vie est d’une trentaine d’années….

* “Le grand remplacement” : l’ubérisation généralisée produit du contrôle et une perte d’autonomie des citoyen·nes. D’ores et déjà, une entreprise sur quatre a licencié 25 % de ses salarié·es et de nombreux métiers dont celui d’enseignant·e sont programmés pour disparaître…

Alors que faire ?

L’intervenant explique que face à ce tableau, il est passé par les étapes du “deuil”: l’abattement, la colère, puis le désir de “reconstruction” pour aller vers un “numérique responsable”.

Pour cela, selon lui, il serait nécessaire de s’appuyer sur les quatre P : peuple/planète/protection/prospérité (qui a remplacé le terme profit !). Oups ! Quelles références ???

Puis de travailler sur cinq axes :

* limiter les impacts et les consommations avec la durabilité des produits ;

* offrir des services utilisables en luttant contre l’illettrisme électronique touchant plus de 28 % de la population ;

* travailler à de nouveaux comportements ;

* travailler à une charte éthique ;

* assurer la “résilience” des organisations.

Enfin tracer une trajectoire : réduire ses besoins, faire appliquer les deux lois correctes sur le sujet (AGEC Anti-gaspillage pour une économie circulaire et REN Climat et Résilience).

Il est devenu consultant pour un “numérique responsable” notamment, pour l’organisation des Jeux olympiques.

Il conviendra, en partie, des limites de tout cela, à la suite de nos questions : “numérique washing”, responsabilités politiques occultées, lois non contrôlées, non contraignantes, question du profit, du contrôle, quel rôle joue-t-on quand on “conseille” les oppresseurs ?

Oui, mais que faire ?

Quoiqu’il en soit, s’interroger : l’alternative, c’est quel autre monde, pas sa durabilité !

Cela nous a conduit à échanger : l’écologie et l’éducation à l’environnement, ça ne peut pas être les “écogestes”. Cela s’inscrit dans un contexte capitaliste, prédateur.

À titre d’exemple, un collègue évoquait des “missions” valorisées par l’institution comme une demi-journée consacrée pour les élèves à ramasser les mégots, affublés d’une chasuble publicitaire, avec photo pour la presse locale… C’est non !

Ce stage nous a clairement permis d’apprendre et de réfléchir afin de pouvoir s’émanciper des injonctions institutionnelles, d’esquiver le greenwashing désormais imposé pour obtenir des budgets pédagogiques.

Pour cela, ne pas être seul·e face à l’administration, penser à la nécessaire désobéissance, tranquillement, et utiliser des ressources alternatives qui existent déjà, partager celles qu’on élabore, de manière interdisciplinaire, lutter pour le bien commun, y compris dans un cadre syndical, parce que, oui, “Nous sommes la nature qui se défend !”

Emmanuelle Lefèvre


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