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Accompagnant d’élève en situation de handicap : Quel quotidien ?

Nous avons réuni des témoignages d’AESH de deux lycées pour essayer de retracer leur vie, leur quotidien dans leur métier. Nous nous sommes rendues compte qu’il y avait un grand enthousiasme pour iels à participer à ce projet et nous sommes ravies de leur participation, des échanges très riches. Prises par notre succès, d’autres AESH ont prévu de témoigner encore, cet article est donc le premier mais pas le dernier.…

AESH, quel statut ?

Justement, les AESH n’ont pas de statut, iels ont différents types de contrats : des CDD de trois ans renouvelables et des CDI. D’ailleurs, c’est grâce à la lutte des AESH, que le CDI a été arraché ! Mais les contrats sont, dans tous les cas, des temps partiels, pour la plupart à 57 % et donc la paye est en fonction : 780€euros par mois pour 22h hebdomadaires d’accompagnement d’élève et des heures dites connexes à faire en plus. Les AESH sont très majoritairement des femmes qui sont donc en temps partiels, le plus souvent subis. La plupart des AESH aimeraient que leur travail corresponde à un temps plein.

Les AESH sont affilié·es à un PIAL (Pôles Inclusifs d’Accompagnement Localisés), un superbe terme pour dire que les AESH sont regroupé·es par secteur géographique qui comprend des écoles, collèges et lycées et peuvent être envoyé·es d’un lieu à l’autre sans coordination réelle, comme si l’accompagnement des élèves d’âges aussi variés était semblable. Ainsi Camille 1 raconte qu’iel a été envoyé·e en collège, où iel a eu du mal à trouver un·e interlocuteur·trice qui savait quel élève iel devait accompagner. Charlie raconte que lorsqu’iel va en école, iel est accueilli·e par le·la directeur·trice et la mise en place est facile.

Une journée type d’AESH ?

Les AESH accompagnent souvent plusieurs élèves dans la semaine et dans la même journée, changent d’une heure à l’autre de cours. C’est ce que soulignent Sasha et Camille, qui disent que les élèves qu’iels accompagnent ne comprennent pas toujours pourquoi iels arrivent en retard en cours, alors qu’iels passent d’un élève à l’autre sur l’intercours. Les AESH rencontré·es dans un des deux lycées sont satisfait·es de pouvoir faire eux.elles-mêmes leur emploi du temps, la coordinatrice des AESH du lycée leur laisse cette possibilité. De ce fait, iels peuvent arranger leur emploi du temps pour éviter les heures d’attente. Il reste qu’iels font entre quatre et huit heures par jour sur quatre à cinq jours par semaine, avec parfois des difficultés pour trouver une pause déjeuner. Par exemple, Camille nous raconte qu’iel aurait dû faire neuf heure d’affilée le mardi, que la coordinatrice a libéré une heure mais que l’enseignant n’a pas compris qu’iel n’accompagne pas l’élève. Iel s’est retrouvé·e entre ces différentes parties, sans qu’il y ait d’interaction directe entre la coordinatrice et l’enseignant.

Des profils d’élèves multiples… pour des accompagnements personnalisés

Les élèves accompagné·es ont des handicaps divers d’un·e élève à l’autre : moteur, dyslexie, dyspraxie, fatigabilité, relation aux autres, etc. Il arrive qu’il n’y ait pas de diagnostic fixe, un·e AESH qui suit un·e élève voit parfois celui/celle-ci évoluer. L’accompagnement est donc complètement personnalisé, et montre une palette de compétences des AESH, qu’iels mettent en œuvre, dans une même journée et entre des années scolaires différentes lors de l’accompagnement des différents élèves. Un·e AESH accompagne cette année un élève avec handicap moteur, qu’iel doit suivre toute la journée, l’emmener aux toilettes et le faire manger. Un·e AESH, d’un autre lycée, refuserait quant à lui/elle de faire l’accompagnement aux toilettes, car iel pense que cela relève plus du médical. Pour les autres accompagnements, l’AESH peut devoir prendre le cours, s’assurer que l’élève le suit, permettre la relation entre l’élève et les enseignant·es et les autres élèves. Ce travail en classe se poursuit en dehors du temps d’accompagnement, Louison et Gwenn font par exemple des cartes mentales, iels réécrivent les cours qu’iels jugent avoir mal pris. Souvent les AESH nous ont dit qu’iels devaient bien suivre les cours car iels devaient reformuler et aider les élèves à comprendre, peu importe leur formation d’origine. Les AESH ont aussi le rôle de rendre les élèves plus autonomes, tâche parfois difficile ! Sam résume ainsi la situation : nos compétences font de nous des personnels hautement spécialisés, ce qui n’est pas pris en compte. Un·e collègue qui retranscrit tous les cours en braille par exemple, cela ne relève-t-il pas d’un haut degré de qualification qui devraient se refléter dans les statuts et salaires ?

Le début de l’accompagnement, une étape délicate qui demande de l’expérience

Souvent, la coordinatrice se contente de donner la liste des élèves à accompagner aux AESH et ceux.celles-ci doivent se débrouiller pour récupérer les emplois du temps, le GEVA-sco (guide qui donne les grandes lignes de l’accompagnement) puis déterminer dans quel cours accompagner l’élève. Les AESH que nous avons rencontré·es nous disent tout·es que c’est par l’expérience qu’iels savent maintenant comment faire, et souvent iels ne font pas tout de la même manière. Certain·es prennent sur leur temps pour rencontrer l’élève avant, mais parfois iels n’ont pas le choix et découvrent l’élève en entrant en classe ! Un·e autre écrit aux parents pour pouvoir avoir plus de précision sur l’élève et notamment s’il y a des particularités d’accompagnement. Charlie nous dit par exemple qu’iel fait ça depuis qu’une élève a fait un malaise en classe, les pompiers ont été appelés mais en fait, elle était diabétique et la situation aurait pu être réglée plus facilement, s’iel avait été au courant. Les AESH rencontré·es nous parle d’un réel isolement et d’un manque total de coordination entre les différent·es acteur·trices (proviseur·e adjoint·e, équipe enseignante, AESH, professeur·e référent·e, infirmier·e scolaire, etc.). Pour elles·eux, il s’agit d’un problème réel et donc à améliorer.

L’AESH dans la classe… un vrai poulpe !

L’AESH doit trouver sa place dans la classe ce qui est plus ou moins facile. L’AESH n’est ni enseignant·e ni élève. Iel est parfois rejeté·e par l’enseignant·e qui juge que l’élève n’a pas besoin d’accompagnement, et c’est une situation difficile. Charlie explique : c’est difficile parce qu’on ne doit pas mettre l’élève en porte à faux vis-à-vis de ces camarades, donc on n’a pas à faire de discipline, Louison le rejoint dessus : une fois une enseignante qui est arrivée en retard m’avait demandé de passer un film à la classe, ce que j’ai fait mais elle m’a reproché que les élèves faisaient autre chose, mais ce n’est pas mon rôle de faire la discipline. Les AESH sont en fait souvent bien intégré·es dans la classe et les autres élèves leur demande des explications ou des conseils, ce qu’iels font volontiers. Finalement, l’AESH jongle entre son rôle d’accompagnant·e, de médiateur·trice ou de soutien aux autres élèves et d’intermédiaire avec l’enseignant·e, d’où le terme de “poulpe” avec ses bras multiples, trouvé par Gwenn.

Une relation particulière avec l’élève

Les relations sont aussi diverses qu’il y a de binômes AESH/élèves accompagné·es. La plupart des AESH est satisfaite de la relation, qu’iels trouvent riche et c’est ce qui les motive pour travailler. Certain·es élèves sont pourtant autoritaires et iels doivent expliquer qu’iels ne sont pas à leurs ordres. “On n’a pas toujours de s’il te plait” disent Gwenn et Camille.

La plupart des AESH et élèves échangent leur numéro de téléphone par facilité pour se prévenir en cas d’absence, de retard ou autre. Louison nous dit qu’iel ne répond pas aux messages en dehors des heures de travail, sauf une fois où un élève était en grande détresse et là iel a répondu. Elle rajoute : “Je ne suis pas la grande sœur ou amie mais je peux donner des conseils quand il y a besoin”. C’est des ados qui deviennent des jeunes adultes et qui peuvent entendre : “Stop tais-toi, réfléchis”.

Sasha et Camille font part aussi des difficultés d’accompagner des élèves qui refusent de l’être. Iels préfèreraient que ce soit un·e autre AESH qui prenne le relais, car si le relationnel ne va pas entre l’élève et l’accompagnant, l’accompagnement ne fonctionnera pas. C’est aussi difficile pour iels de se détacher des problèmes des élèves qui sont absentéistes, ne prennent pas leur cours et n’écoutent pas. Ça a été le cas pour Sasha l’année dernière, et la coordinatrice du PIAL lui a alors conseillé de ne pas s’investir affectivement et surtout de lever le pied.

Des relations avec les parents pas toujours faciles

La relation avec les parents est délicate, certains considèrent que l’AESH est à leur service et corvéable. Certain·es leur envoient directement des messages, en récupérant les numéros auprès de leurs enfants. D’autres se plaignent au proviseur·e de la conduite de l’AESH, de l’accompagnement réalisé. Dans certains cas, cela peut aller jusqu’à remettre en question leurs compétences et s’insinuer dans leur vie privée. Sasha raconte qu’iel a dû justifier d’avoir son téléphone en classe par la situation médicale de sa fille, les parents croyaient qu’iel jouait à des jeux et ont appelé le proviseur. Depuis quelques années, les AESH ne rentrent plus en contact direct avec les parents mais privilégient d’avoir une tierce personne comme par exemple le·la professeur·e principal lors des contacts avec les parents. Charlie pense qu’il faut intégrer les AESH dans les équipes pédagogiques et réagir aux questionnements des parents par des réponses collectives afin d’éviter les relations de subordination qui pourraient se créer.

Les relations aux enseignant·es

La place dans l’AESH dans la classe varie suivant les classes mais aussi suivant l’enseignant·e. Suivant les cours, iels se sentent plus ou moins à l’aise, souvent suivant l’accueil fait par les enseignant·es et la volonté de ceux.celles-ci à communiquer. Sasha nous dit qu’iel a plus ou moins d’affinité avec les enseignant·es. Nous l’avons dit avant, les AESH ne sont pas présenté.es “formellement” aux enseignant·es, ce qui peut créer un malaise parfois quand les AESH arrivent pour accompagner un·e élève. Il reste que souvent, les relations se passent bien et les AESH et enseignant·es discutent régulièrement des progrès/difficultés de l’élève pour qu’iel progresse. Ces discussions se font sur les heures dites connexes des AESH, mais qui ne sont pas formalisées : pendant les intercours, les récréations, les temps libres des AESH.

Des conditions matérielles dans le travail quotidien

Les AESH fournissent les feuilles, les stylos pour prendre les cours. Iels accompagnent aussi les élèves en travaux pratiques en tous genres et se débrouillent pour récupérer une blouse. Mais dans certains cas, iels doivent acheter sur leurs propres moyens des charlottes pour les TP de cuisine notamment. Charlie explique ses conditions d’exercice cette année : iel accompagne un élève en fauteuil et l’accompagne aux toilettes, iel a dû demander le désinfectant aux parents et s’est débrouillé pour trouver des gants, l’administration étant restée sourde à ses demandes. Plus encore pour iel, le problème est qu’iel accompagne l’élève à la cantine pour le faire manger et doit payer son repas alors que cet accompagnement est dans ses missions. Iel a fait des demandes écrites multiples aux différents échelons mas n’a pas de réponse. Iel doit donc assurer sa mission sur ses propres deniers…. avec une paye de 780€euros.

Dans ce premier volet, nous avons développé principalement la vie quotidienne et le travail d’accompagnement des AESH. Ce travail, iels y sont attaché·es et cela forge leur envie de faire leur métier. L’organisation du travail avec un manque de coordination entre les acteur.trices isole pourtant les AESH : lors des interviews, iels nous ont parfois demandé des conseils qui auraient dû être donnés par leur coordinatrice. L’isolement pousse aussi des AESH venant d’être recruté·es à démissionner car l’accompagnement ne fonctionne pas et iels se remettent en question pour de mauvaises raisons et surtout par manque d’encadrement et de conseils. Un deuxième article nous permettra de tracer les parcours antérieurs des AESH, l’entrée dans le métier, les revendications pour améliorer leur vie et leur métier, et leurs perspectives professionnelles.

Marine Bignon, Véronique Cozzupoli, Anne Vernaton

  1. Les prénoms ont été changés par des prénoms mixtes pour préserver l’anonymat des AESH interrogé·es. ↩︎