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S’insurger contre une loi inique

Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs.

Article 35 Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. Constitution du 24 juin 1793.

Le choc du vote par l’Assemblée de la version encore plus raciste et xénophobe de la loi immigration concoctée par la commission parlementaire mixte paritaire aura été un coup de tonnerre, mais aussi de semonce dans la vie politique du pays. Cette séquence de plus dans la banalisation de l’extrême droite aura été celle de trop. Et peut-être celle qui va permettre l’urgentissime sursaut à la fois contre la politique réactionnaire du pouvoir et aussi contre l’accession du RN aux affaires, que cette politique rend de plus en plus plausible.

Manifestation contre la « loi immigration » à Rennes.

Un spectacle politique atterrant

La question n’est plus tant de savoir :

  • Si les groupes de la NUPES n’auraient pas dû proposer de motion de rejet préalable, assurés qu’ils étaient, qu’une victoire serait à la Pyrrhus, redonnant la main dans la commission mixte paritaire aux petites magouilles de la macronnie avec la droite et le RN. Les partis de la gauche parlementaire se prennent certes trop au jeu institutionnel d’une Cinquième République bonapartiste conçue pour qu’ils perdent à tous les coups. Ceci dit l’émotion est grande suite au vote d’une loi qui bafoue aussi bien les principes d’humanité les plus fondamentaux, que des lois et déclarations françaises, européennes et internationales et qui méprise les efforts et savoirs faire des structures publiques et associations qui honorent le pays en parvenant à rendre plus acceptable l’accueil, le séjour et l’acquisition de la citoyenneté pour les étranger·es. Suffisamment, espérons-le, pour que les composantes de la NUPES s’unissent afin de soutenir et renforcer, dans la rue et dans les quartiers populaires, plutôt que devant des institutions croupionnes, les multiples refus d’appliquer une telle loi qui fusent de tous les secteurs.
  • Si cette loi est passée grâce aux voix du RN, ce qui n’est pas le cas ; mais c’est encore pire puisqu’il s’est trouvé suffisamment de député·es en plus des 88 du RN pour faire une majorité sur la loi la plus régressive depuis la Seconde guerre mondiale, qui reprend l’essentiel du fonds de commerce de l’extrême droite. Elle organise la préférence nationale en dégradant tous les droits des étrangers : le droit d’asile, le droit du sol, les droits au séjour, à la santé, au logement, à l’autonomie, au regroupement familial, à l’éducation. Elle impose cyniquement aux étranger·es un respect des principes républicains… qu’elle bafoue allègrement.
  • Si le Conseil constitutionnel va censurer cette loi. En partie sûrement. Mais on a vu avec la lutte sur les retraites, que dans les grands moments ce Conseil joue les garde-chiourmes de la bourgeoisie, quitte à s’asseoir sur le texte fondateur cité en exergue de cet article.
  • Si Macron ne va pas la promulguer. Là encore, la séquence retraites est éclairante : rien ne sert de demander poliment. Ni même avec le rapport de force important, mais insuffisant, des journées d’action espacées de l’intersyndicale retraite, qui de toute façon vient de se dissoudre. Une campagne puissante et innovante s’impose.

Combattre Macron et sa loi, c’est combattre l’extrême droite

Cette séquence de la préparation et du vote de la loi Darmanin résume la présidence de Macron qui s’est toujours présenté comme le barrage contre l’extrême droite et n’a en fait cessé de faire son jeu. Que ce soit en la dédiabolisant par la reprise de pans entiers de son programme de haine, en acceptant d’être interviewé par ses médias, en la laissant s’inviter à la manifestation gouvernementale contre l’antisémitisme et surtout pour la guerre d’Israël, ou en envoyant à l’Assemblée, par un désistement “républicain” sélectif, plus de la moitié des député·es du groupe RN et en avalisant sa présidence de commissions parlementaires.

Mais c’est surtout par sa politique anti ouvrière, autoritaire et liberticide qu’il favorise la prise de pouvoir du RN, en renforçant son électorat (un sondage crédite le RN de la première place aux européennes avec 30 %) et en lui permettant, en cas de succès, de ne pas avoir grand-chose à changer pour mener d’emblée une politique d’extrême droite musclée. Et un tel succès apparaît comme une fatalité pour beaucoup trop de gens. Mais le vote du 19 décembre devrait permettre de rebattre les cartes.

Plus c’est gros, moins ça passe

La loi Darmanin reprend l’essentiel de la palette idéologique de l’extrême droite. Elle attaque tous les droits des étranger·es. Et donc beaucoup d’associations, de services publics et de corps de métiers sont concernés. Dès le vote de la loi, les prises de positions ont afflué de toutes parts : syndicats, personnels et présidents d’universités, bibliothécaires… La réaction des établissements scolaires (Voltaire, Henri IV à Paris, Éluard à Saint-Denis), qui n’est qu’à ses débuts du fait des congés, illustre, pour les services publics, le refus de la rupture avec les principes d’égalité (aggravée par les attaques propres à chaque ministre, comme par exemple Attal qui prétend casser ce qui restait d’exigence d’égalité dans l’Éducation nationale, remplacé par une réaction assumée : groupes de niveau, programmes normalisés à finalité d’employabilité, uniforme…).

Tou·tes les travailleur·euses et les bénévoles concerné·es peuvent et doivent rejoindre cette mobilisation pour le retrait de la loi Darmanin et, à défaut d’arracher le retrait, ces engagements à la désobéissance civile. L’action unitaire du 14 janvier (que des syndicats veulent repousser au 21) est l’occasion de le faire massivement. Dans le monde du travail, la grève doit être mise à l’ordre du jour sur cette question aussi importante que les luttes féministes et écologiques. Les syndicats et les politiques doivent apporter un soutien sans faille à ce sursaut citoyen (j‘hésite à écrire “républicain”, tant ce terme a été galvaudé). C’est la façon la plus efficace pour remobiliser la société contre cette loi, contre la basse politique de Macron et contre l’extrême droite. Et n’est-ce pas là une façon des plus dynamisantes d’aborder une nouvelle année ?

Olivier Vinay, le 28 décembre 2023

Retrait de la loi asile immigration !!

Appel à la mobilisation dont Emancipation est signataire, aux côtés de plusieurs dizaines de collectifs, syndicats, associations et organisations politiques.

La loi asile immigration marque un tournant que nos collectifs, associations, syndicats, organisations ne peuvent accepter. Elle reprend de nombreuses idées de l’extrême droite comme la préférence nationale et aura des conséquences terribles sur la vie de centaines de milliers d’habitant·es étrangèr·es sur le sol français. Il s’agit de la loi la plus régressive depuis 40 ans. Cette loi raciste et xénophobe restreint le droit au séjour, accentue considérablement la répression, s’attaque au droit d’asile, au droit du sol, aux étranger·es malades, aux étudiant·es non européen·nes, au regroupement familial. L’attaque contre l’hébergement d’urgence, le durcissement de l’accès aux prestations sociales dont les allocations familiales et les aides aux logements vont jeter des familles à la rue ou dans les bras de marchands de sommeil.

Cette loi va précariser davantage les travailleuses et travailleurs, les lycéen·nes, les étudiant·es avec ou sans-papiers.

L’arbitraire préfectoral est encore renforcé, refoulement aux frontières, délivrance systématique des OQTF et IRTF et allongement de leur durée, notamment pour les travailleuses et les travailleurs.

Cette loi s’attaque aux libertés publiques, bafoue les droits fondamentaux tel que le droit d’asile, réinstaure la double peine et fait honte à la France, dont la démocratie s’est bâtie sur les valeurs d’égalité entre toutes et tous nous exigeons donc le retrait de cette loi.

Nous appelons :

• à soutenir toutes les luttes pour la régularisation des sans-papiers, notamment les grèves ;

• à empêcher l’application de cette loi en multipliant les actions de solidarité et en faisant œuvre de désobéissance civile.

À manifester massivement sur tout le territoire le dimanche 14 janvier, pour empêcher que cette loi soit promulguée, combattre le racisme, la xénophobie et défendre une politique migratoire d’accueil et de solidarité.