Édito

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Occuper le terrain sans relâche

Écrire l’édito d’Émancipation en ce mois de novembre 2023 est une gageure. On est là pour le syndicalisme, la solidarité entre les peuples, pour défendre des valeurs humanistes. On lutte et on craque devant les dernières images en provenance de Gaza, de ces images arrachées au réel le plus inimaginable. Là, devant nos yeux, un massacre organisé et pensé par un État israélien qui a décidé d’en finir avec celles et ceux qu’il nomme “les animaux”. Qui peut encore s’interroger doctement pour savoir quel nom donner à cette opération baptisée par Tsahal/Yahvé “Glaive de fer” ?

Alors notre devoir est de faire en sorte que jamais les voix de protestation, venues du monde entier, ne se taisent, que ce qui n’est pas un conflit mais une entreprise méthodique d’extermination ne devienne pas un bruit de fond familier jusqu’à la mort du dernier bébé gazaoui sous les bombes. “Il n’y aura pas d’autorité civile qui éduque les enfants à haïr Israël” affirme Netanyahou parce que bientôt il n’y aura plus d’enfants. Israël ne veut pas de témoins pour documenter ce qui est en train de se passer car ce qui est en train de se passer est un génocide.

Peu importe les discours et analyses de “spécialistes-du-Moyen-Orient”, les comparaisons nauséabondes entre meurtres de masse, nous n’en avons pas besoin pour comprendre ce qui est en jeu. Finir le travail comme dit Netanyahou comme s’il s’agissait d’un chantier jamais terminé. Tuer, faire disparaître et pousser à l’exil les survivant·es. Un programme en cours d’exécution que chacun·e d’entre nous a le devoir d’arrêter car il n’y a pas à se poser de questions ou à hésiter. Netanyahou craint la réprobation internationale et l’isolement. Donnons-lui raison chaque jour.

Et le reste du monde ? En France, on est déjà en train d’écrire l’histoire officielle qui sera étudiée dans les prochains programmes d’histoire. La compassion affichée tient lieu de ligne politique car pas question pour Macron de s’aliéner Israël, il préfère faire comme s’il ne s’agissait que d’un problème humanitaire. La longue poignée de main de Macron échangée avec le premier ministre israélien le 24 octobre fait l’effet d’une morsure de cobra. Quand Macron s’émeut face caméra du sort réservé aux Gazaouis·es, la diplomatie, en coulisses, s’empresse “d’arrondir les angles” pour ne pas fâcher Netanyahou.

Que fait la France ? En la personne du ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, elle instrumentalise avec cynisme les événements tragiques du Moyen-Orient et l’assassinat de notre collègue à Arras pour alimenter le discours raciste ambiant. Les lois immigration arrivent lundi 27 novembre en commission des lois et le Sénat a déjà abrogé l’article 3 sur les métiers en tension. La loi Darmanin fait de l’immigré·e, soit un·e paria soit un·e travailleur·euse de seconde zone occupé·e aux basses besognes dont personne ne veut. Partout en Europe, l’extrême droite gagne du terrain (le 22 novembre le PVV, parti de la Liberté, est arrivé en tête des Législatives aux Pays-Bas) et la parole discriminatoire circule librement et sans complexe.

Que fait l’Éducation nationale ? Elle instaure un stage obligatoire de 15 jours en seconde, qui pourra être remplacé par un séjour du Service National Universel. Quelle belle manœuvre pour généraliser le SNU à toute une classe d’âge et faire rentrer l’armée dans les lycées.

Les poignées de mains, les discours sur l’immigration transformés en lois, le passage en force du SNU, la légitimation de l’extrême droite et de ses idées forment un tout cohérent. Le capitalisme, en mode totalitaire, écrase tout sur son passage et choisit la haine de l’autre, le repli sur soi et les profits de guerre aux dépens des peuples et de l’humanité.

Plus que jamais, poursuivons nos combats de solidarité, avec les peuples opprimés et massacrés, avec les exilé·es., organisons-nous pour lutter contre cette société autoritaire, militaire et individualiste qu’on souhaite nous imposer.

Sophie Carrouge et Marine Bignon